Bousculades, tentatives d’intrusion d’individus sans billet, supporters – dont des enfants – sous le choc d’une intervention des forces de l’ordre ou victimes de vols… La prestigieuse finale européenne, accueillie au Stade de France à St-Denis et remportée samedi par le Real Madrid contre Liverpool (1-0), a été marquée par des scènes de chaos et de désorganisation autour du Stade de France, sans faire de blessé grave. Encore échaudé, le président de Liverpool Tom Werner a écrit son indignation à la ministre française des Sports Amélie Oudéa-Castera.
En cause, les propos lundi d'Amélie Oudéa-Castera et du ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin qui ont répété ce qu'ils affirment depuis samedi: les supporters britanniques seraient en grande partie responsables des incidents, avec une «fraude massive, industrielle et organisée de faux billets». La ministre des Sports a en outre déclaré que Liverpool «avait laissé ses supporters dans la nature».
Ces mises en cause ravivent chez les supporters de Liverpool les horribles souvenirs de la catastrophe d'Hillsborough qui avait fait 97 morts en 1989 dans un mouvement de foule dont les fans des Reds avaient longtemps été tenus pour responsables avant que les mauvaises décisions de la police ne soient reconnues.
Chiffres controversés
«Vos commentaires sont irresponsables, peu professionnels et totalement irrespectueux», a écrit Tom Werner dans son courrier à Amélie Oudéa-Castera, dont le quotidien local Liverpool Echo a obtenu une copie. «Au nom de tous les fans qui ont vécu ce cauchemar, je demande des excuses de votre part», a-t-il ajouté.
La ministre des Sports a répondu mardi à la mi-journée, précisant n'avoir pas encore reçu le courrier de Liverpool mais ouvrant la porte à un début de mea culpa. «On a des supporters de Liverpool qui étaient tout a fait en règle, dont soit la soirée a été gâchée, soit certains n'ont pas pu assister à ce match, et là on leur doit clairement des excuses», a-t-elle dit.
Pour autant, les chiffres avancés par le gouvernement français ont été très critiqués, en Angleterre comme en France. Selon Gérald Darmanin, «30'000 à 40'000 supporters anglais se sont retrouvés au Stade de France, soit sans billet, soit avec des billets falsifiés».
Cette situation a, selon les autorités, contribué à gonfler sensiblement la foule qui se pressait aux portes du Stade de France et entraîné d'interminables files d'attente, un engorgement massif qui n'a fait aucun blessé grave. Pour l'heure, la Fédération Française (FFF) et l'UEFA ont évalué à 2800 le nombre de faux billets scannés samedi, ont rapporté mardi à l'AFP des sources proches du dossier, confirmant une information de RMC Sports.
Pannes et bugs informatiques
Mais parmi ces 2800 faux billets, peuvent figurer des vrais billets ayant été mal activés, selon Pierre Barthélémy, avocat de groupes de supporters français présent samedi au stade. «Il y a eu des pannes, des bugs informatiques au niveau des portiques qui a fait que certains vrais billets ont été scannés comme faux», a-t-il expliqué.
«30'000 à 40'000 faux billets, cela me paraît très, très gros», a commenté l'ex-député Génération(s) Regis Juanico, spécialiste des questions sportives. «J'attends l'audition des deux ministres mercredi au Sénat pour en savoir plus.» Le rendez-vous est programmé à 17h00.
Les services de renseignements avaient de leur côté alerté les autorités avant cette finale. Datée du 25 mai, une note de la Division nationale de lutte contre le hooliganisme (DNLH), dont l'AFP a eu connaissance, faisait état «d'environ 50'000 supporters anglais présents dans la capitale française (qui) ne seront pas détenteurs de billets».
Le chaos au Stade de France a contrasté avec l'ambiance festive vécue dans les deux «fan-zones» déployées samedi, notamment celle du cours de Vincennes où 45'000 supporters des Reds ont communié.
Une affaire politique
Sur le plan judiciaire, six hommes seront jugés à Bobigny pour des vols au préjudice de supporters en marge de la finale. Et, à l'approche des élections législatives (12 et 19 juin), l'affaire a pris un tour hautement politique, notamment sur la capacité française à organiser des événements sportifs majeurs à un an du Mondial 2023 de rugby et à deux ans des Jeux olympiques à Paris.
Le député LR Eric Ciotti a ainsi réclamé la création à l'Assemblée nationale d'une commission d'enquête sur les incidents.
Tous les regards se tournent désormais vers le prochain match au Stade de France, France-Danemark en Ligue des nations vendredi (20h45), a priori à guichets fermés. Des organisations syndicales de la RATP ont lancé un nouvel appel à la grève sur le RER B pour vendredi, après leur mouvement de samedi qui a pu accentuer les dysfonctionnements, puisque de nombreux supporters des Reds s'étaient rabattus sur le RER D, source d'engorgements à l'arrivée.
Le patron des JO-2024 Tony Estanguet s'est voulu rassurant: il a expliqué à l'AFP qu'il fallait "tirer les enseignements" du fiasco au Stade de France, qui accueillera les épreuves d'athlétisme, tout en assurant que tout le monde serait "prêt" dans deux ans.
(ATS)