Vous avez partagé sur vos réseaux sociaux la capture d’écran d’un message raciste. Vous l’avez reçu après le match nul de Lausanne à Bâle dimanche?
Oui, j’ai l’habitude de regarder les messages que j’ai reçus après le match, de mes proches ou de fans. J’ai trouvé celui d’un inconnu sur Instagram qui me traite de singe. C’est grave et ce qu’il l’est encore plus, c’est que c’est la deuxième fois en deux semaines que ça m’arrive. J’avais déjà reçu des insultes racistes après notre victoire à Saint-Gall fin novembre.
Qu’est-ce que vous avez ressenti à Bâle?
Une profonde tristesse. Nous sommes bientôt en 2022 et il y a toujours ce genre de comportements, cette mentalité de merde. Ce n’est pas normal.
Le football suisse a-t-il un problème de racisme?
Je ne dirais pas qu’il y a un problème généralisé. Cela fait trois ans que je suis en Suisse, et j’y ai rarement été confronté. Là par contre, ça fait deux fois d’affilée. Si cela se répète, c’est que les sanctions ne sont pas assez sévères. J’avais interpellé la ligue sur les réseaux après le premier message et je n’ai pas reçu de réponse. En restant silencieuse, en ne défendant pas les joueurs, la ligue prend le parti des racistes.
Pour vous, ce silence rend la ligue complice?
Oui, cela ne suffit plus de ne pas être raciste silencieusement. Il faut dénoncer activement le racisme. La ligue doit prendre des sanctions fortes.
Est-ce que ces événements vous dégoûtent du championnat suisse?
Dégoûté, c’est un grand mot mais ça me touche profondément. La Suisse m’a donné une deuxième chance. En arrivant à Lausanne, j’étais dans un moment très compliqué de ma carrière. C’est dommage que cette deuxième chance soit gâchée par des idiots.
Est-ce que l’auteur du premier message avait été identifié?
Oui, le Lausanne-Sport m’a dit qu’il avait été privé de stade pour une certaine période et qu’il a reçu une amende. Le plus triste dans cette histoire, c’est qu’il s’agit d’un enfant de 13 ans. Comment un gamin peut tenir de tels propos? On ne naît pas raciste, on le devient. Il a donc dû suivre «l’exemple» d’amis ou de sa famille.
Dans ces affaires, quel devrait être le rôle des clubs, et notamment du vôtre, le Lausanne-Sport?
Tous les clubs devraient communiquer et prendre publiquement position. Chaque équipe de Super League a des joueurs noirs dans son effectif. Si l’un d’entre eux est touché, tout le monde est touché. Est-ce qu’il va falloir que les joueurs fassent grève pour qu’on soit enfin écoutés, que la ligue agisse?
La grève, ce serait vraiment une option à vos yeux?
Oui, je pense qu’on pourrait arriver jusque-là. Ce serait un moyen fort de marquer les esprits. Ces actes racistes ne doivent plus arriver en 2022.
Est-ce possible de bannir le racisme des stades? Le football est le reflet de la société et ce phénomène existe malheureusement partout.
C’est vrai, il y a du racisme partout mais il faut que les gens qui s’en rendent coupables soient punis. Dans les stades, comme dans la rue. Tout le monde doit prendre parole contre le racisme.
C’est pour cela que vous avez accepté de parler aujourd’hui?
Oui, j’espère que cela aidera à une certaine prise de conscience. Grâce à ma communauté sur les réseaux, j’ai une voix qui est entendue et je compte bien l’utiliser. D’autres joueurs ont aussi vécu la même chose et n’ont rien dit. Par peur de ne pas être écouté, de ne pas être cru. Mais peu importe leur niveau ou leur popularité, tous les joueurs doivent dénoncer ce genre de messages.