Avant le match en Serbie, Murat Yakin avait été clair: pas de surprise en vue! L'équipe de Suisse avait des certitudes, nées de l'Euro et de sa préparation, et son système à trois défenseurs centraux lui apportait énormément de solidité. Cela s'était vu en mars dernier, au Danemark et en Irlande (180 minutes sans prendre de but) et cette fiabilité défensive s'était poursuivie à l'Euro. La défense à trois, avec deux pistons bien différents (Silvan Widmer à droite, Michel Aebischer à gauche) semblait gravée dans le marbre.
Des faits de matchs défavorables, c'est vrai
Mais depuis l'Euro, tout a changé. La Suisse continue à évoluer dans le même système tactique, mais elle prend l'eau de toutes parts. 2-0 au Danemark, 4-1 contre l'Espagne, 2-0 en Serbie! «Beaucoup d'événements tournent en notre défaveur alors que l'on a le contrôle du match», a rappelé Murat Yakin après chaque rendez-vous. Le sélectionneur a raison: entre les expulsions, les buts contre son camp, les penalties ratés, les penalties concédés et les coups de pied arrêtés mal défendus, les circonstances n'aident pas son équipe. Tout ceci n'a rien à voir avec la stratégie et aux réflexions faites en amont du match et est impossible à planifier.
Par contre, il n'échappe à personne que Murat Yakin, dans son for intérieur, préfère la défense à quatre. Et il n'est pas inutile de se rappeler que lorsqu'il avait été intronisé sélectionneur de la Nati, le Bâlois avait été clair: une ligne de quatre derrière, voilà son credo! Mais, évidemment, Murat Yakin est un homme intelligent et pragmatique et lorsqu'il a vu que son équipe était déséquilibrée dans ce système et ne s'en sortait ni contre Israël, ni contre le Kosovo ou la Biélorussie, il a eu l'intelligence d'écouter ses hommes-clés et d'imaginer pour l'Euro ce système en 3-4-2-1, un schéma dans lequel Manuel Akanji et Granit Xhaka évoluent souvent en club, à quelques nuances offensives près, et se sentent à l'aise.
Michel Aebischer n'est plus aussi fort qu'à l'Euro
On l'a dit, la Ligue des Nations est passée par là et avec elle ces trois défaites en trois matches. Tout n'a pas été mauvais dans le contenu, mais plusieurs prestations individuelles déficientes font se poser des questions à Murat Yakin. A gauche, il ne dispose encore et toujours d'aucun spécialiste du poste de piston qui soit en forme en club. Michel Aebischer a été une belle surprise et une révélation de l'Euro dans cette position absolument pas naturelle pour lui et il faut dire bravo à Murat Yakin d'avoir eu cette inspiration de génie, osons le mot. Mais qu'apporte désormais le Fribourgeois à ce poste depuis l'Euro (voire même contre l'Angleterre), sinon de l'insécurité? Et qui peut jouer piston gauche sinon lui?
Qui pour jouer piston gauche, sinon Michel Aebischer?
Une réponse pourrait être Ulisses Garcia, mais il ne joue pas assez avec Marseille pour l'instant. Ricardo Rodriguez peut jouer latéral gauche à quatre, mais pas piston à trois: il n'a plus les cannes. Une autre option pourrait être Dan Ndoye, mais le Vaudois est tellement important dans un poste plus avancé qu'il serait presque dommage de le faire travailler autant sur ce couloir, même s'il avait été très bon à ce poste en mars. Alors, la question se pose concrètement: pourquoi ne pas supprimer ce poste, tout simplement?
Un autre homme en difficulté s'appelle Nico Elvedi. Titulaire en équipe de Suisse avant le passage à cinq en défense, le Zurichois enchaîne les contre-performances depuis septembre, que ce soit au Danemark ou en Serbie. Sur le plan purement sportif, il ne mérite pas de débuter ce mardi contre les Danois à Saint-Gall et force est de constater qu'il n'assume pour l'heure pas pleinement la succession de Fabian Schär.
Qui pour jouer en défense centrale?
Et derrière lui, les solutions ne sont pas légion durant ce rassemblement d'octobre, Becir Omeragic étant blessé. Cédric Zesiger et Eray Cömert ne peuvent pas prétendre aujourd'hui être titulaires avec la Nati dans un match à enjeu, alors que les autres solutions potentielles en défense centrale s'appellent Denis Zakaria (absent) et Edimilson Fernandes, lequel joue milieu défensif à Brest depuis cet été. Bref, ce serait du bricolage. Aujourd'hui, la froide réalité impose ce constat: depuis la retraite de Fabian Schär la Suisse n'a plus assez de défenseurs centraux de qualité pour jouer continuellement à trois et jongler avec les suspensions et les blessures.
Alors, Murat Yakin changera-t-il de système, d'autant plus que Silvan Widmer est suspendu? Lundi, en conférence de presse, il ne l'a pas exclu. Ce qui fait une grande différence par rapport à ses propos avant la rencontre en Serbie...