Pour une fois, le soleil brille en cet après-midi. Et Michael Frey rit lorsqu’il pose pour le photographe sur le Grote Markt, la place devant l’hôtel de ville d’Anvers. «C’est incroyable, d’habitude il pleut toujours ici!» L’attaquant bernois considère désormais la deuxième plus grande ville belge comme sa seconde patrie. Après une saison dans le club de province de Waasland-Beveren, il joue désormais pour le réputé Royal Antwerp.
Michael Frey connaît presque tous les coins de rue du centre-ville. «Il y a un bon restaurant, là. Au bord de la rivière, il y a un parcours idéal pour faire du jogging. J'habite juste ici et là, derrière, habite Leonardo Bertone.» L’ancien milieu de terrain d'YB, âgé de 28 ans, était encore son coéquipier à Beveren la saison dernière, mais les deux Bernois ne se voient désormais plus que pendant leurs loisirs. Ils cuisinent ensemble ou prennent souvent un café dans l’un des nombreux petits établissements de la ville. L’ancien Thounois de Beveren, Chris Kablan, est lui aussi souvent présent.
L’appartement de Michael Frey et de sa fiancée Melis a une vue magnifique sur l’Escaut (le fleuve qui traverse la ville). Son domicile n’est qu’à quelques minutes en voiture du Bosuilstadion, qui peut accueillir 16'650 spectateurs.
Cette saison, l'attaquant suisse a enchanté les fans du Royal avec un parcours impressionnant: 22 buts en 31 matches de championnat! Il est surnommé «la machine à marquer» par ses coéquipiers. On peut d'ailleurs lire cette inscriptions sur le ballon du match du 8 août dernier. Ce jour là, il a battu le Standard de Liège à lui tout seul avec un quintuplé (5-2).
Une lutte au sommet des buteurs
Michael Frey est l’une des stars de la Jupiler Pro League belge. Il se livre à un duel très médiatisé pour le titre de meilleur buteur avec Deniz Undav, attaquant de la Royale Union saint-gilloise, le leader du championnat belge. L’Allemand de 25 ans a encore progressé récemment et se retrouve maintenant en tête du classement des artificiers avec 25 unités, juste avant le début des play-off.
Michael Frey en sourit: il cherche à être plus malin encore. Bien sûr, il ne «refuserait pas» la distinction de meilleur buteur, mais il préférerait encore le titre de champion. «Mais il s’agit d’abord de défendre notre place dans le top quatre!»
«Beveren ou Royal?»
Quoi qu’il en soit, un titre manqué ne changerait rien à la popularité du Bernois à Anvers. Alors qu’il guide Blick dans les ruelles de la ville, un fan lui demande un selfie. Un groupe d’adolescents s’exclame: «Frey, Frey! Beveren ou Royal?» Frey, pris entre deux feux, se contente de rire chaleureusement.
Il était déjà sous le feu des projecteurs à Beveren avec ses 17 buts en une saison. Au Royal, ce «club de tradition avec les fans les plus euphoriques de Belgique», sa notoriété a encore considérablement augmenté.
Pas dans le collimateur de la Nati
Il est donc logique que des spéculations circulent déjà sur un transfert dans un championnat du top 5, ce qui est aussi l’objectif déclaré de Michael Frey à moyen terme. Il est également logique qu’il soit à nouveau dans le collimateur de l’équipe nationale.
Mais cette porte reste fermée pour le moment, même avec l'arrivée de Murat Yakin. Pour les matches contre l’Angleterre (26 mars) et le Kosovo (29 mars), son nom ne figure que sur la liste des viennent-ensuite, comme l’automne dernier. Malgré son profil d’attaquant puissant et costaud, dont la Suisse ne regorge pas vraiment, le Bernois devra donc attendre avant de briller sous le maillot helvétique.
Une grosse déception pour le buteur, même s'il s'efforce de se concentrer sur l'enjeu sportif: «Je vais continuer à travailler sur moi, à m'entraîner pour me faire une place. Cela reste mon rêve et mon objectif de jouer un jour pour l’équipe nationale.»
Habitué aux coups de sang
Fut une époque où il aurait tapé du poing sur la table et manifesté bruyamment son mécontentement. Il faut dire que, pendant ses jeunes années, l'homme était coutumier des déclarations incendiaires. Il y a cette fois, par exemple, où il a publiquement dit qu’il voulait devenir le meilleur attaquant du monde, de façon un peu arrogante. Ou, lorsqu'il jouait à Lille, cette fois où il s'en est pris à un médecin français qui, selon lui, avait bâclé une opération de la cheville. «Le boucher du village de Münsingen aurait fait tout aussi bien», avait-il déclaré.
Et lors de la finale de la Coupe de Suisse 2018, qu’il a remportée avec le FCZ, il a jubilé un peu trop près de l’entraîneur d'YB de l’époque, Adi Hütter, lors d'une célébration de but. Une provocation gratuite auprès d'une équipe pour laquelle il avait jadis joué.
«J'ai un regard différent sur mon comportement»
«Aujourd’hui, j'ai un regard différent sur mon comportement de l'époque, explique-t-il. J’ai certainement dit des choses que je ne dirais plus aujourd’hui. Il aurait mieux valu que je prenne simplement une douche et que je rentre chez moi. Quand tu es si jeune, tes pensées se bousculent, tu ne réfléchis pas beaucoup.»
Il le voit désormais aussi chez ses propres coéquipiers plus jeunes que lui: «De nos jours, ils ont déjà une énorme confiance en eux. De plus, ils ne font que regarder leur téléphone portable. Tu peux être content s’ils te regardent directement de temps en temps.»
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«J'ai grandi sur le plan footballistique»
Michael Frey explique à quel point le nouvel environnement dans lequel il évolue depuis quelques années lui fait du bien. Il s’entretient avec son agent Milos Malenovic après chaque match. Sa fiancée Melis lui apporte aussi beaucoup de soutien et de force. «Je n’ai pas seulement mûri en dehors du terrain. J'ai aussi grandi sur le plan footballistique», ajoute-t-il. Il a dû adapter son style de jeu à la ligue belge, très exigeante sur le plan physique: «Je passe plus souvent par le milieu, je joue plus facilement, je peux aussi presser pendant 90 minutes s’il le faut.»
Certes, il est devenu plus calme. Il peut aussi accepter d'être sur le banc de touche: «Si on me l’explique ouvertement et honnêtement, je le comprends.» Ce qui ne change pas en revanche, c'est l’exigence énorme qu'il a envers lui-même: «J’ai besoin de cette pression», assure-t-il.
L'ancien joueur de Berne recule devant aucun effort pour sa passion. Le «Zwitsers beest» — la «bête suisse» — regarde intégralement chacun de ses matches pour étudier chaque mouvement. Il n’aime pas trop les jours de congé: «Je préfère me rendre au stade le matin, tirer 30 fois au but du gauche et 30 fois du droit.»
Peintre dans l'âme
Lorsqu’il se déconnecte du football, il consacre tout son temps à Melis. Lorsque celle-ci étudie, il peint. À la fin de l’année dernière, il a vendu aux enchères un tableau représentant la cathédrale Notre-Dame d’Anvers. Il a ainsi récolté 5200 euros, qu’il a reversés à une organisation oeuvrant pour les enfants handicapés.
Non seulement cela a été très bien accueilli par les fans, mais cela a immédiatement entraîné d’autres commandes au sein de l’équipe: «Ils veulent que je peigne le stade pour eux. Avec eux dessus. Je leur dis toujours: Ça va coûter cher!, se marre-t-il. Je peux réfléchir à faire une réduction pour tous ceux qui me fournissent régulièrement des passes décisives», dit-il en souriant à nouveau avec malice.
«Quand je peins, je suis serein»
«Quand je peins, je suis serein. C’est une sorte de méditation pour moi. J’ai hérité cela de mon grand-père. Il était très doué avec un pinceau et un crayon.» Il y a chez lui à Münsingen (BE) «certainement 300 à 400 tableaux» qui se sont accumulés au cours de ces dernières années.
Un jour, après sa carrière, il vivra peut-être de son art. Mais il veut d’abord réaliser ses rêves avec Royal et, si possible, avec l'équipe nationale. Il veut aussi profiter de la vie à Anvers, «surtout sur le plan footballistique», souligne-t-il. Il passe à côté des innombrables stands de gaufres à l’odeur sucrée et conclut: «Je ne suis pas là pour m’amuser!»
(Adaptation par Thibault Gilgen)