Murat Yakin l'a révélé dernièrement: il n'est pas un grand amateur de poker, mais il apprécie jouer aux échecs. Symboliquement, cette passion et cet art se retrouvent sur le terrain, où il aime déstabiliser les entraîneurs adverses avec des joueurs évoluant à des positions différentes, qui les surprennent parfois eux-mêmes. Face aux deux tours dans l'axe de la défense écossaise, le joueur d'échecs avait décidé de faire tourbillonner les jokers Xherdan Shaqiri, Ruben Vargas et Dan Ndoye, désolé pour la comparaison un peu aléatoire, mais vous avez compris l'idée. Sur le terrain, Murat Yakin déploie sa stratégie et elle est gagnante depuis le début de cet Euro. Et en coulisses, il a également réussi à avoir un coup d'avance.
90 ou 95% des entraîneurs auraient signé, mais pas lui
Son coup gagnant, le sélectionneur l'a joué au printemps lorsque, pour s'en aller l'esprit tranquille à l'Euro, Pierluigi Tami lui a proposé de prolonger son contrat. Objectivement, 90 ou 95% des entraîneurs auraient signé à ce moment-là. La Suisse sortait de qualifications compliquées si on est gentil, horribles si on est méchant, sa cote était au plus bas dans l'opinion publique et, en mars, tout le monde imaginait une Nati éliminée sans gloire en Allemagne, que ce soit au premier tour ou en 8es, au terme de prestations insipides. Murat Yakin serait alors parti par la petite porte et une prolongation de contrat signée en mars lui aurait au moins assuré une contrepartie financière. Sincèrement, il fallait être fou pour ne pas signer à ce moment-là. Même pas par conviction, simplement par précaution.
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Mais Murat Yakin n'a pas signé. Savait-il au fond de lui qu'il allait réussir cet Euro et retourner la situation? Avait-il senti, dès le stage de La Manga, qu'il avait encore la main sur cette équipe? Sans doute. En tout cas, il a très bien joué son coup puisque trois mois plus tard, le voilà en position de force. L'ASF veut qu'il continue. Les cadres, et en premier lieu Granit Xhaka, sont avec lui. Et l'opinion publique suivra, puisque l'Euro est déjà réussi, sauf si la Suisse perd 6-1 contre l'Angleterre samedi.
Alors, dans quelques jours ou quelques semaines, Murat Yakin pourra s'asseoir sereinement à table avec Pierluigi Tami et Dominique Blanc.
S'il reste, il aura tout ce qu'il demande
S'il décide de rester, il pourra négocier son salaire, son staff, ses conditions, tout lui sera accordé. S'il demande un terrain de golf à chaque rassemblement de la Nati, il l'aura sous les fenêtres de son palace cinq étoiles. S'il lui venait l'envie de troquer sa Volkswagen de fonction contre une Bentley, Pierluigi Tami la conduira lui-même.
Et s'il veut partir, parce que l'Arabie saoudite lui propose une offre impossible à refuser, qu'une autre sélection le drague avec les bons mots, ou qu'un grand club turc lui offre un poste de prestige (José Mourinho vient de signer à Fenerbahçe, mais les bancs des trois géants du Bosphore sont mouvants), il pourra là aussi arriver très sereinement aux négociations.
En une phrase comme en mille: en ne signant pas le contrat de la sécurité en mars, Murat Yakin s'est offert le choix du roi en juillet. Bravo, bien joué. Rien d'autre à dire.