Erich Burgener devra donc attendre encore un peu pour avoir un successeur. La Suisse, valeureuse, s'est inclinée aux tirs au but face à l'Angleterre ce samedi à Düsseldorf en quarts de finale de l'Euro et n'a donc plus battu ce prestigieux adversaire depuis 1981. Il s'en est fallu de peu, pourtant, et la Suisse peut avoir des regrets tant elle a regardé les Three Lions dans les yeux.
Tout s'est décidé lors d'une séance de tirs au but cruelle, forcément, et il a fallu que ce soit Manuel Akanji, le meilleur joueur de l'équipe de Suisse depuis le début du tournoi, qui soit le héros malheureux. Le défenseur central a en effet été le seul des neuf tireurs à ne pas marquer, son envoi étant détourné par Jordan Pickford. Face aux supporters anglais, Manuel Akanji a donc manqué son affaire et renvoyé, bien malgré lui, la Suisse à la maison au terme d'un parcours admirable. En larmes, il n'a pu qu'écouter au centre du terrain Sweet Caroline, la chanson de la victoire anglaise, et son émotion restera comme l'un des moments forts de ce tournoi allemand.
Le peuple suisse peut être fier de son équipe nationale
Ce sont donc les Anglais qui affronteront les Pays-Bas ou la Turquie mercredi à Dortmund, eux qui ont marqué leurs cinq tirs au but (Cole Palmer, Jude Bellingham, Bukayo Saka, Ivan Toney et Trent Alexander-Arnold) contre trois à la Suisse (Fabian Schär, Xherdan Shaqiri, Zeki Amdouni). La Nati ne disputera donc pas la première demi-finale de son histoire dans un grand tournoi, mais peut rentrer à la maison, ou partir en vacances, la tête haute. Elle a donné envie d'être revue et a fait vivre au peuple suisse trois semaines si belles, si inattendues peut-être, qu'elle a mérité les éloges et les félicitations du peuple suisse, à nouveau uni derrière comme voilà trois ans lors du bel Euro itinérant de 2021.
Le match, d'ailleurs, a été cohérent et de bonne facture, une fois de plus, et la Suisse a rivalisé avec son prestigieux adversaire du début à la fin, croyant même tenir la victoire lorsque Breel Embolo a ouvert la marque à la 76e, jusqu'à ce que Bukayo Saka égalise quasiment dans la foulée (80e).
L'Angleterre, sans être flamboyante ni dans le jeu ni dans ses intentions, a légèrement dominé la première période, c'est vrai, mais la Nati n'était pas loin. La Suisse s'est d'ailleurs créée quelques petites possibilités avant la pause, notamment grâce à un Breel Embolo très combatif, mais n'a pas vraiment pu approcher du but de Jordan Pickford.
Michel Aebischer en difficulté face à Bukayo Saka
Dans leur 3-4-2-1 désormais habituel, et avec Dan Ndoye reconduit au poste de piston droit (Murat Yakin avait décidé de titulariser exactement le même onze que face à l'Italie, laissant Silvan Widmer hors de l'équipe), les Suisses essayaient de mettre de la vitesse sur le côté droit, mais c'est de l'autre côté où ils ont souffert principalement, Bukayo Saka faisant souvent très mal à Michel Aebischer.
C'est d'ailleurs précisément de là qu'est venue l'action la plus dangereuse en première période pour les Three Lions, à la 45e très exactement, mais Granit Xhaka, le meilleur Suisse avant la pause, a pu intervenir au tout dernier moment devant Kobbie Mainoo. 0-0 à la pause et une Suisse bien dans le match, solide en défense, mais légèrement dominée en possession (45%-55%) et dans le nombre de tirs au but (1-5), le seul carton jaune attribué par Daniele Orsato ayant été d'ailleurs attribué au camp helvète (Fabian Schär). L'Angleterre dominait cette rencontre, oui, mais ce n'était pas non plus comme si Yann Sommer avait eu plusieurs arrêts compliqués à effectuer. En vérité, le 0-0 était même plutôt logique.
Un duel équilibré et indécis sur le terrain comme en tribunes
Alors que le début de deuxième période était équilibré, et que la Suisse se montrait bien plus entreprenante qu'avant la pause, faisant largement reculer le bloc anglais, Murat Yakin décidait d'effectuer un double changement à la 62e, Silvan Widmer et Steven Zuber remplaçant Ruben Vargas et Fabian Rieder, les deux joueurs en soutien de Breel Embolo. Dan Ndoye montait alors d'un cran et la Nati jouait donc avec le duo Zuber-Ndoye derrière Embolo.
L'ambiance montait encore en intensité à Düsseldorf où les 10'000 supporters de la Nati se mettaient à faire beaucoup de bruit. Les fans des Three Lions entonnaient eux de puissants «England» ou de plus amusants et légers «Don't take me home» et le duel, indécis sur le terrain, trouvait un vrai prolongement en tribunes. La beauté de l'Euro est également là et ce quart de finale, à défaut d'être riche en occasions avant l'heure de jeu, prenait une tournure pleine de dramaturgie dans le décor fort sympathique que représente ce stade de 52'000 places joliment situé au bord du Rhin.
Ce sont les fans de la Nati qui ont été les premiers à exulter dans cette partie, à la 76e, lorsque Breel Embolo s'est trouvé au bon endroit pour ouvrir la marque à la suite d'un centre de Dan Ndoye dévié par John Stones juste là où se trouvait l'avant-centre suisse, auteur, sur le coup, de sa deuxième réussite du tournoi après le 3-1 face à la Hongrie. Fabian Schär, à l'origine de l'action, a particulièrement bien joué sur ce coup-là, tout comme Dan Ndoye.
Breel Embolo ouvre la marque, Bukayo Saka lui répond immédiatement
Gareth Southgate a immédiatement réagi en procédant à un triple changement à la 79e, faisant entrer Cole Palmer, Eberechi Eze et Luke Shaw pour tenter d'aller chercher immédiatement l'égalisation.
Une inspiration gagnante pour le très contesté sélectionneur anglais puisque les Three Lions ont inscrit le 1-1 quelques secondes plus tard, à peine, par l'intermédiaire d'une très belle action individuelle de Bukayo Saka. Le tir de l'ailier, puissant et précis du gauche, ne laissait aucune chance à Yann Sommer (80e). La partie s'emballait et la Suisse passait quelques minutes compliquées, mais tenait bon et allait chercher les prolongations, sans trop souffrir non plus.
Une question demeurera pour l'éternité sans réponse: que serait-il advenu si Breel Embolo avait laissé ce ballon à Dan Ndoye à dix secondes de la fin des arrêts de jeu sur ce centre de Fabian Schär? L'avant-centre a «enlevé» le ballon à l'ailier vaudois, alors que celui-ci avait déjà amorcé son coup de tête. La réaction de Dan Ndoye au sol? «Frérot, je l'avais...», a-t-on cru lire sur ses lèvres... 0-0 et direction les prolongations, comme dans les deux premiers quarts de finale Allemagne-Espagne et France-Portugal.
Denis Zakaria fait son entrée en prolongations
La prolongation a débuté par une bonne frappe lointaine de Declan Rice, déviée en corner par Yann Sommer (95e). Estimant que son équipe avait besoin de stabilité, Murat Yakin a décidé de procéder à un changement prudent, Denis Zakaria remplaçant Dan Ndoye. Le Genevois obtenait ainsi là ses premières minutes du tournoi et même ses premières minutes tout court depuis le 28 avril, avec l'AS Monaco. Après quinze minutes de prolongation, le score en restait à 1-1 et les deux fractions de supporters baissaient alors d'un ton dans leurs chants, tant la tension prenait le dessus, tant sur le terrain qu'en tribunes. Le mimétisme a d'ailleurs été flagrant tout au long de la partie, comme si l'une des deux entités s'adaptait à l'autre en permanence.
La deuxième mi-temps de la prolongation a débuté par un coup d'épaule appuyé de Manuel Akanji sur Harry Kane, lequel a volé dans le banc des remplaçants anglais, sortant d'ailleurs dans la foulée, remplacé par Ivan Toney. Un signal clair: la Suisse n'allait rien lâcher!
Xherdan Shaqiri trouve l'équerre du but anglais à la 117e!
Au même moment, et sans aucun doute dans l'optique des tirs au but, Murat Yakin faisait entrer Xherdan Shaqiri pour Breel Embolo. L'idée derrière cette manoeuvre: profiter de l'adresse du pied gauche de «XS» sur coup de pied arrêté lors de la séance à onze mètres qui approchait. Et pourquoi pas faire la différence avant si l'un ou l'autre corner ou coup-franc dangereux était proposé à la Nati...
Le pari a d'ailleurs failli être gagnant, et génial, à la 117e lorsque «Shaq» tirait son corner pile à l'extrémité de la latte et du poteau de Jordan Pickford, qui semblait battu sur ce coup-là!
Toujours dans l'optique des tirs au but, Murat Yakin faisait alors entrer Vincent Sierro et Zeki Amdouni, deux artificiers à l'aise dans cet exercice si particulier. Le Genevois s'illustrait d'ailleurs dès son apparition, forçant Jordan Pickford à s'employer grâce à un tir puissant et centré (120e). C'en était terminé sur ce temps fort de l'équipe de Suisse. La suite, ces tirs au but aussi cruels que fatidiques, pouvaient entrer dans l'histoire.