La liste de Murat Yakin pour l'Euro est critiquable. Elles le sont toutes, de l'Albanie à la Slovaquie en passant par l'Angleterre (tristesse infinie pour Jack Grealish) et l'Allemagne. Tel est le lot d'une grande compétition, où chacune et chacun s'improvise sélectionneuse ou sélectionneur, du journaliste le plus aguerri à l'entraîneur de 5e ligue ou au fan occasionnel, qui ne sait pas ce qu'est un hors-jeu de position mais est persuadé que Murat Yakin est un pitre, par principe.
Avant le Qatar, un grand non
Cela étant posé, il est également permis de penser que la sélection suisse est, cette fois, cohérente. Je me permets d'écrire «cette fois», parce que j'avais été l'un des plus virulents, sur le plateau de La Télé ou de Blue Sport, par rapport aux choix effectués par Murat Yakin avant la Coupe du monde au Qatar. Le boss s'était dit, voilà un peu moins de deux ans, que partir avec deux latéraux pour une compétition d'un mois était une bonne idée. Le désastre était annoncé et il s'est vérifié en 8es de finale lorsqu'il a été contraint de bricoler une défense, par sa propre faute.
Cette fois, catastrophe il peut y avoir, mais ce ne sera pas à cause de la composition de la liste et de la structure de l'effectif imaginée par Murat Yakin et Giorgio Contini. Tous les postes sont doublés et, si des choix sont discutables, ils ont, à mon avis, été effectués avec une certaine cohérence et une réflexion allant au-delà du premier match.
Breel Embolo et Denis Zakaria, un double dossier pas simple
Murat Yakin n'a pas eu la partie facile avec l'incertitude entourant deux cadres, Breel Embolo et Denis Zakaria, mais il l'a bien gérée, je trouve, en incluant les deux hommes dans sa liste. Pour le coup, la décision de l'augmentation à 26 joueurs l'a aidé, mais il a utilisé cette possibilité de manière intelligente, ne mettant pas la pression à ses deux joueurs. Ils peuvent se préparer tranquillement, en espérant qu'ils soient opérationnels en cours de tournoi. S'ils ne le sont pas, pas de souci, même si ce sera sans doute un peu plus compliqué de marquer des buts sans Breel Embolo qu'avec.
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Pour le reste, même sa stratégie de composer une pré-liste de 38 joueurs a été largement critiquée, mais elle est largement défendable pour qui prend la peine de regarder plus loin que le simple effet d'annonce. Il aurait été tellement plus simple, et plus lisible, de choisir d'entrée 26 joueurs «comme tout le monde», mais le staff de la Nati a pris le risque d'être incompris du grand public et cette décision était correcte et courageuse. Elle a surtout permis à Murat Yakin de bien travailler dès le 27 mai, avec deux gardiens et vingt joueurs de champ, alors que les stars n'étaient pas encore là.
Plusieurs jeunes ont pu être intégrés et prendre rendez-vous pour l'avenir et il est assez noble de la part du sélectionneur d'avoir agi ainsi alors même qu'il ne sera sans doute plus là. Préparer l'avenir pour un autre est, osons-le dire, assez classe.
De nouveau, il aurait été tellement plus simple pour lui de sélectionner 26 joueurs, les meilleurs, et basta. Il n'a pas agi en égoïste et c'est tout à son honneur. Bryan Okoh, par exemple, a été tout heureux de retrouver l'équipe de Suisse, même quelques jours, avant de partir en vacances. Et cela sera utile dans quelques années.
Les deux joueurs de Lugano ont été mal gérés
De mon point de vue, le seul couac de cette liste de 38 joueurs a été commis envers deux joueurs de Lugano, Albian Hajdari et Uran Bislimi. Ils avaient été sélectionnés... et ils ne sont jamais venus, eux qui ont disputé la finale de la Coupe le 2 juin et auraient dû arriver en sélection le 4 ou le 5 pour en repartir le 6 ou le 7. L'affaire aurait été ridicule et ils ne sont au final même pas arrivés à Saint-Gall, ce qui a au moins permis d'économiser un trajet, mais ne donne pas un bon signal. Cet aspect-là a été mal géré.
Des choix discutables, pas scandaleux
Pour le reste, rien à signaler, même si le faible nombre de joueurs venus de Suisse romande est une déception. Murat Yakin, soyons clairs, aurait aimé partir à l'Euro avec Joël Monteiro, il l'a assez répété, et Becir Omeragic, mais ces deux joueurs n'étaient pas à 100% de leurs capacités physiques, ce qui est un regret, mais pas une injustice crasse.
Sinon? Kwadwo Duah plutôt qu'Andi Zeqiri, Fabian Rieder et Cédric Zesiger dans la liste finale, Leonidas Stergiou plutôt que Kevin Mbabu, tout ceci est sujet à commentaire, discussion et critiques, car telle est la beauté du football, mais il n'y a rien de scandaleux. Et, au risque de fâcher tous les réseaux sociaux, même la sélection de Renato Steffen, l'un des meilleurs joueurs de Super League, ne l'est pas. Oui, on ose le dire.