Au lendemain de ce Suisse - Biélorussie, deux postures s'offrent à nous et aux dirigeants de notre football.
La première : mettre en avant le classement, louer le «mental» de l'équipe, rappeler la grande probabilité de remplir la mission : aller à l'EURO.
La deuxième : établir le constat que la Suisse, en cinq matches, n'a battu qu'Andorre et pris sept buts contre les nations 47, 111 puis 105 du classement FIFA : Roumanie, Kosovo, Biélorussie. Aucune ne figure ne serait-ce qu'en ligue B du football européen.
Ces prochaines semaines, que choisiront de faire Dominique Blanc, président de l'ASF, et Pierluigi Tami, directeur des équipes nationales ?
Dans leur réflexion, ils iront bien sûr plus loin que les chiffres. Sur le terrain, une réalité saute aux yeux : cette équipe régresse. Le choix assumé de Murat Yakin de renoncer à toute ligne directrice, sauf à la nommer improvisation, est en train de se retourner contre lui. Privés de repères, la plupart des cadres (Sommer, Akanji, Elvedi, Schär, Rodriguez, Xhaka) ne parviennent plus à montrer en sélection la meilleure version d'eux-mêmes alors qu'ils brillent en club. Pour une équipe nationale au nombre de talents limité, il n'y a rien de pire. Sous Vladimir Petkovic, ça n'était jamais arrivé.
Ils devront aussi noter que Yakin est en train de faillir à sa mission de renouvellement de l'équipe. La 118ème sélection de Granit Xhaka a rappelé ce jour de juin 2011 où Ottmar Hitzfeld, pourtant au pied du mur, l'avait lancé comme titulaire à Wembley. Hier, face à un adversaire de bien moindre valeur, le sélectionneur a laissé sur le banc deux joueurs qui, à 22 ans, débutent régulièrement en Premier League et en Serie A : Zeki Amdouni et Dan Ndoye. Au poste que tant l'un que l'autre aurait pu occuper, il leur a préféré Renato Steffen, bientôt 32 ans. Le joueur du FC Lugano a disputé 21 de ses 35 sélections ces deux dernières années, très rarement à son poste de prédilection qui plus est. Plus que quiconque, il incarne l'ère Yakin. Ce n'est pas bon signe.
Enfin, Dominique Blanc et Pierluigi Tami se doivent d'être attentifs aux messages qu'envoie l'équipe. A ce stade, on peut même parler de signaux de fumée. Les premiers datent de la Coupe du Monde et sont attestés par le documentaire «The Pressure Game». Cet automne, lorsque Granit Xhaka a souligné le manque d'intensité aux entraînements, on a trop facilement mis ses déclarations sur le compte des «émotions» et oublié qu'un capitaine parle aussi au nom de l'équipe. Après le match d'hier, la rumeur venant du vestiaire s'intensifie. Quoi qu'en dise le sélectionneur, le plaisir de venir en équipe nationale décline dangereusement. Le report de deux jours du stage de préparation la semaine dernière en est un indice parmi d'autres. Quelles que soient les raisons invoquées.
Devant ces constats, les dirigeants de l'ASF se trouvent aujourd'hui à un tournant dont il leur incombe de saisir l'importance. Si la Suisse, dans ce faible groupe, échoue à se qualifier pour l'EURO, la cause sera entendue. Si elle y parvient, sur le terrain ou le tapis vert, le mandat de Murat Yakin sera prolongé automatiquement jusqu'à l'été prochain. Le destin à court terme de cette équipe doit-il dépendre d'une clause contractuelle ? Le temps presse. La meilleure génération de l'histoire de notre football vit sa dernière campagne au meilleur de ses capacités. Ses leaders, plus ou moins ouvertement, demandent un changement.
Seront-ils entendus ?