À quelques heures de l'avant-première de son film «Nordend – Rêver au-delà des limites», Géraldine Fasnacht avoue être un petit peu stressée. «Ça fait des années que je n'ai pas donné de conférence publique», explique-t-elle. La pression est-elle plus grande que de dévaler la face nord-ouest du Nordend? «Ce n'est pas le même stress, en rigole-t-elle. À ce moment, je n'ai pas le droit à l'erreur. Lors de l'avant-première, si j'ai un couac, ça va juste faire rire tout le monde.»
Si Blick appelle la Vaudoise, c'est qu'il y a moins d'un an, elle a réussi ce magnifique exploit. Sur le massif du Mont Rose et en ce 13 juin 2024, Géraldine Fasnacht est descendue en snowboard depuis 4608 m d'altitude une pente de 55 degrés. À couper le souffle. Dans son documentaire, qu'elle présente ce vendredi 24 janvier en avant-première au Millennium de Crissier (20h), la championne qui a remporté 11 titres sur le Freeride World Tour partage son projet. Une conférence est d'ailleurs prévue après la diffusion.
L'alliance de ses passions
Un projet qui remonte à loin. «Mon rêve depuis que je suis petite fille, ça a toujours été d'être pilote», se souvient Géraldine Fasnacht. Après avoir passé six années au sein de la compagnie Swiss Air – «pour me rapprocher des avions» –, elle découvre le monde de l'ULM (ou Aéronef ultraléger motorisé). «C'est incroyable car ils font à peine 300 kg et consomment quatre fois moins qu'un avion normal», souligne-t-elle. Elle obtient ensuite sa licence, puis décide de coupler cette passion avec les autres: wingsuit ou snowboard. «J'aime être dans la montagne et tracer de nouvelles lignes», se réjouit-elle.
Ainsi, le Mont Rose devient une obsession. «C'est un peu l'atterrissage ultime, car c'est le plus haut des Alpes», explique Géraldine Fasnacht. Une contrainte qui n'est pas évidente, le nombre de chevaux de son moteur se réduisant avec l'altitude. «Et le côté ride est aussi impressionnant puisque cette face du Nordend est glacée pendant pratiquement 365 jours par an.»
L'attente, le plus important
Ainsi débute la plus longue période de ce projet: l'attente. «Durant les deux premières années, elle n'a pas été une seule fois en bonne condition», révèle Géraldine Fasnacht. Des conditions qui lui donnent envie de tout abandonner – chose qu'elle fait d'ailleurs. «Je me suis dit qu'il fallait que j'arrête de m'obstiner. Il y a des rêves qui doivent rester ainsi parfois et qu'il faut oublier.»
Pourtant, si on lui parle aujourd'hui, c'est que son défi a été réussi. «L'hiver 2024 a été l'un des plus beaux, se souvient parfaitement la résidente de Verbier. Je me suis alors demandé si je ne m'en voudrais pas à vie si je ne le tentais pas avec des conditions autant bonnes. La réponse a été oui.» Le projet Nordend, abandonné un temps, est donc à nouveau en marche.
Dormir sur place
Sur le qui-vive dès la mi-mai, Géraldine Fasnacht rate un premier passage. «MétéoSuisse avait annoncé une météo magnifique, se souvient-elle. J'ai dormi là-haut mais le soir déjà, je commençais à douter. Le lendemain matin, je n'ai pas voulu prendre de risque et je suis reparti, après avoir été enfermée dans un nuage durant la montée.»
Loin de se décourager, la Vaudoise embarque à nouveau dans son ULM nommé Roméo le 13 juin 2024, décollage depuis Sion. «Passer la nuit là-bas, c'est s'assurer une sécurité. Souvent, l'après-midi au printemps, les nuages se lèvent et peuvent cacher la face», explique Géraldine Fasnacht.
«Je n'y croyais pas»
Le Jour-J, les conditions sont parfaites et Géraldine Fasnacht entame la montée. «Ça m'a pris près de trois heures, développe-t-elle. Et une fois arrivée là-haut, j'ai quand même pris le temps d'apprécier la vue.» Dans sa tête, forcément, tout se bouscule. «Je n'y croyais pas – j'étais en train de le faire.»
En descendant, d'autres pensées arrivent. «Ce jour-là, la montagne m'a acceptée, souffle-t-elle. C'est comme si j'étais en communion totale avec elle. Ce sont des moments extrêmement puissants.» Des instants que Géraldine Fasnacht va également partager dans son film.
Quid de la peur?
Forcément, la peur a également fait partie de l'aventure. «Mais je me souviendrai toujours de la phrase que m'a dite Mike Horn en 2007: 'Si tes rêves ne te font pas peur, c'est qu'ils ne sont pas assez grands'. Ces mots, je les ai gardés toute ma vie dans mon cœur.»
Pour la Vaudoise, le plus important est de savoir analyser sa peur. «Au niveau des compétences, je devais être à l'apogée sur la glisse et aussi en vol. Mais la peur reste positive, puisqu'elle nous garde en alerte.» Bien soutenue par ses proches et son équipe de tournage, Géraldine Fasnacht ne garde évidemment que du positif de son exploit.
«Le dernier projet autant compliqué»
Durant notre entretien, la snowboardeuse nous a souvent parlé de projet «ultime». Cela signifie-t-il qu'elle va raccrocher après cela? «En tout cas, c'est le dernier projet autant compliqué dans ma vie, prévient-elle. Par contre, comme après tout gros objectif, j'ai besoin de prendre le temps de reposer les pieds sur terre.»
Ainsi, Géraldine Fasnacht ne sait pas de quoi l'avenir sera fait. Chose est sûre: le sport extrême ne sera en tout cas pas bien loin de sa vie, tout comme son snowboard et son avion.