Après avoir été à l’affiche du festival Antigel en 2019, sa première partie au concert du rappeur belge Hamza, sans oublier sa nomination en tant qu'«Artiste du mois» par le Montreux Jazz en octobre, Chien Bleu en remet une couche avec un nouvel EP intitulé «Papillon».
A l'occasion de sa série «Les artistes à suivre en 2022», Blick est allé à la rencontre du rappeur. Entre pudeur et sincérité, le musicien genevois, qui vient tout juste de fêter ses 29 ans, a accepté de raconter son attrait pour la musique et s’est confié sur l’influence d’un passé rebelle sur son art.
Bercé par la musique classique
Avant Chien Bleu, il y avait Valentin Milos, un petit garçon qui a grandi dans le quartier populaire des Charmilles, à Genève. Il se souvient avoir vu du monde défiler chez lui quand il était enfant. «Ma maman était musicienne et elle donnait des cours de chant à la maison. Il y avait toujours des gens dans l’appartement.» Les voix résonnaient à travers les murs tandis que le petit Valentin jouait seul dans sa chambre. Lorsque sa mère ne donnait pas de cours, elle se produisait dans plusieurs cafés de la ville. «Je l'ai souvent accompagnée en concert et je me souviens m'être endormi une fois sous son piano car ses représentations duraient jusqu’à tard le soir», nous confie l’artiste, avec un brin de nostalgie dans la voix.
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Alors, est-ce cette maman amoureuse de chant classique qui a transmis l’amour de la musique à celui qu’on appelle aujourd’hui Chien Bleu? «Pas vraiment. Disons que j’ai été sensibilisé très tôt à cet univers.»
L’héritage maternel, c’est peut-être ce nom de scène qui détonne avec tous les autres blazes de rappeurs. «Chien Bleu, c’est un conte pour enfant que me lisait ma maman. Ça raconte l’histoire d’un chien qui sauve une petite fille, Charlotte, de l’esprit maléfique de la forêt. Ce nom a un côté onirique que j’aime bien», s'amuse l'artiste.
Rebelle à crête rouge
À ce train-là, on pourrait imaginer un jeune garçon qui étudierait le solfège et la pose de voix au Conservatoire. Pas du tout! L’histoire en a voulu autrement. L’apprentissage carré et strict, très peu pour le Genevois. Petit à petit, le bambin qui sommeillait sous un piano a laissé place à un adolescent allergique à l’autorité. «Ado, je me suis souvent ennuyé. Le monde punk rock sonnait comme une évidence. Pas besoin d’avoir des bases musicales dans ce style de musique. L’essence même de cet univers, c’est de jouer et de chanter mal», explique Chien Bleu.
À 14 ans, il se laisse pousser sur la tête une crête, qu’il teint en rouge. «J’étais clairement le mec bizarre du cycle. Mais je m’en foutais. Moi, je me trouvais très cool!» A cette époque, il traîne dehors et donne quelques concerts à L’Usine à Genève. De fil en aiguille, il intègre le milieu alternatif. Il côtoie alors des SHARP (Skinheads Against Racial Prejudice), soit des skinheads qui se positionnent contre le racisme, les néofascistes et autres groupes d’extrême droite. «Mais attention, je n’ai jamais été une tête de proue, j'ai simplement traîné avec ces gens dont certains sont restés mes amis», nous confie-t-il.
Du punk au rap
En 2008, lui et quatre potes forment le groupe punk dans lequel il tient le rôle de chanteur. L’aventure dure 10 ans. Mais quel rapport entre le rappeur d’aujourd’hui et ses racines punk? «Les deux genres musicaux sont similaires dans le sens où ils sont alternatifs et ne nécessitent pas de connaissances pointues en théorie musicale. C’est facile d’accès et populaire.»
Alors, pourquoi passer de l’un à l’autre? A cette question, Chien Bleu se veut précis: «Je n’ai pas du tout renié le punk. Il fait encore partie de ma vie et il m’inspire dans la musique que je fais aujourd’hui. J’ai décidé de faire du rap parce que j’avais envie de raconter des choses, ce qu’on ne fait pas vraiment avec le punk qui est surtout utilisé pour parler de phénomènes généraux, sans entrer dans une forme d’intimité.»
À noter que le rap n’est pas nouveau pour Chien Bleu. «J’en ai beaucoup écouté quand j’étais ado. Je rappais sur des 'instru' de Scred Connexion et j’écoutais du Mafia K’1 Fry. Aujourd’hui j’écoute énormément de Booba, du Kaaris ou du Sofiane.»
Le bling bling: non merci
Contrairement à ces rappeurs ultra connus qui tablent sur le bling bling et s’affichent grassement sur les réseaux, Chien Bleu, lui, préfère la jouer discret. «En vrai, j’adore leur univers, mais moi je ne suis pas comme ça. Ça me mettrait très mal à l’aise d’imiter ce côté ostentatoire et excessif.»
Pour preuve, Chien Bleu s’affiche très peu sur ses réseaux sociaux. On ne le verra sans doute jamais poster une story de lui au resto, avec une nana ou en train de faire la bringue entre potes. «Je publie des choses qui touchent à mes projets artistiques, histoire d’être présent et de faire connaître mon travail. De toute façon, je ne me trouve pas particulièrement intéressant», note le Genevois, qui avoue que «ça peut faire vieux con».
Chien Bleu est donc un rappeur pas comme les autres: simple et humble. «Pas forcément. Je pense qu’on est un peu sévère lorsqu’on tacle certains artistes qui ont réussi en avançant qu’ils ont trop d’ego. Ça doit faire un truc bizarre au cerveau d’être sous le feu des projecteurs, tout le temps.»
Si Chien Bleu confie espérer vivre de son art, un jour, peut-être, il ne semble pas prêt à renoncer à son indépendance. Car en réalité, lorsqu’on devient connu, on appartient de facto un peu à son public. Mais cet animal parfois docile, souvent farouche, tient à sa liberté: «Je ne pense pas que l’humain soit préparé à la célébrité. Pour être franc, je ne pense pas qu’on soit véritablement faits pour ça.»