Il en est des séries comme de la mode. Il y a toujours des basiques que l’on peut sortir chaque année – la série policière est la petite robe noire de nos écrans, jamais démodée. Et des tendances qui apparaissent et s’évaporent sans qu’on sache toujours exactement pourquoi – le western pourrait être assimilé au crop top, ou au pantalon pattes d’eph’, qui font des retours fracassants à intervalles irréguliers.
Les festivals sont donc comme des fashion weeks, l’occasion de présenter en avant-première ce qu’il faudra adopter demain. Celui de Séries Mania, rendez-vous international consacré aux fictions du petit écran, organisé à Lille, dans le nord de la France, du 17 au 24 mars, a permis de dégager quelques tendances à venir.
Des séries plus inclusives devant et derrière la caméra
Ce qui frappe tout d’abord, c’est à quel point les séries se font plus inclusives. Handicap, sexualité… les horizons des représentations s’élargissent. Dans «Aspergirl», disponible à partir du 6 avril sur OCS (via Canal+), l’humoriste Nicole Ferroni interprète Louison, une mère de famille diagnostiquée autiste Asperger en même temps que son fils. À la fois drôle, tendre et très pédagogique, la série rompt complètement avec la représentation du trouble sur le spectre de l’autisme popularisée, par exemple, par un film comme «Rain Man».
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Dans «Best Interests», série britannique bouleversante qui sortira en juin sur la BBC, un couple se déchire autour de la décision à prendre pour leur fille handicapée. Faut-il arrêter les soins de Marnie, ainsi que le préconisent les médecins, ou la maintenir en vie coûte que coûte, comme le défend sa mère? Pour Jack Thorne, le showrunner (qui a aussi travaillé sur «Skins», «Shameless» ou encore «The Virtues»), «le sujet du handicap est de plus en plus présent à la télévision au Royaume-Uni».
Surtout, dans un cas comme dans l’autre, l’inclusivité ne s’arrête pas aux représentations. Des comédiens autistes jouent dans «Aspergirl», ce qui a mené la production à adapter le tournage, avec des journées moins longues et un plateau plus silencieux pour éviter de perturber des acteurs hypersensibles. Dans «Best Interests», le rôle de Marnie est tenu par l’actrice irlandaise Niamh Moriarty, elle-même en fauteuil roulant.
Du vintage partout
Et si l’avenir des séries se trouvait… dans le passé? En tout cas, le vintage est roi. Disponible à partir du 7 avril sur Netflix, «Transatlantique» plante son décor dans les années 1940 à Marseille. En pleine Seconde Guerre mondiale, un réseau se met en place pour aider des artistes et des activistes à fuir l’Europe occupée par les nazis.
La série «Funny Woman», bientôt diffusée sur OCS, raconte quant à elle l’ascension de Barbara, jeune provinciale anglaise décidée à conquérir la télévision et à devenir actrice. Robes satinées sur le dos et chignon choucrouté sur la tête, Gemma Arterton est irrésistible en femme libre, ambitieuse et terriblement drôle, qui tente de faire sauter les carcans d’une société corsetée.
Les années 1980 aussi ont la cote, et pas seulement pour leur côté pop et coloré. La série mexicaine «Tengo que morir todas las noches», produite et diffusée prochainement sur Paramount+, plonge dans les nuits agitées d’un club LGBT de Mexico pendant cette décennie de libération sexuelle, également marquée par l’épidémie de Sida. Avec «Désobéir: le choix de Chantal Daigle», le Québec revient sur une affaire qui a secoué la province canadienne en 1989, lorsqu’une jeune femme a été attaquée par son ex-mari pour avoir avorté pendant leur divorce.
Les séries s’emparent de l’écologie
Sans surprise, les œuvres qui sont le miroir du monde en épousent les préoccupations. L’écologie trouve donc une place privilégiée dans des séries comme «The Fortress» et «A thin line». La première, d’origine norvégienne, imagine un futur proche dans lequel, face aux épidémies et au manque de ressources, la Norvège a construit un immense mur pour se barricader et développer une société auto-suffisante. Elle fait face à un afflux massif de réfugiés climatiques devant ses portes. Jusqu’au jour où une maladie arrive jusqu’à son territoire.
«A Thin Line» est une production allemande, bientôt diffusée sur Paramount+. Cette fois, on suit Anna et Benni, deux sœurs jumelles, activistes climatiques, qui dénoncent les crimes environnementaux sur Internet. Lorsque l’une est arrêtée, l’autre s’engage dans un groupe terroriste écologiste. À l’heure où Renovate Switzerland bloque des autoroutes, le sujet est plus brûlant que jamais.
Femmes fortes et femmes plurielles
Ce n’est pas tout à fait une nouveauté, mais la tendance se confirme et s’amplifie: les femmes prennent le pouvoir à l’écran. Outre «Funny Woman» et «Désobéir», deux séries éminemment féministes précédemment citées, on peut aussi s’attarder sur «The Power».
Adaptée d’un roman de l’autrice britannique Naomi Alderman, cette série diffusée à la fin du mois sur Prime Video imagine que des adolescentes se retrouvent soudainement dotées de la capacité d’électrocuter les gens à volonté. Inutile de dire que cela entraîne un renversement complet des rapports de pouvoir et de genre…
Dans un autre style, la drôlissime «Sous contrôle», diffusée à l’automne prochain sur Arte, montre une ancienne médecin humanitaire soudainement propulsée ministre des Affaires étrangères. Dans le rôle principal, l’actrice Léa Drucker excelle en femme surmenée qui doit gérer une prise d’otage, un président de la République déconnecté et sa vie privée sur le point d’exploser.
De plus en plus de séries internationales
Les séries à venir sont aussi le reflet des conditions de production actuelles. Dans une économie incertaine, avec une volonté de toucher des marchés aux quatre coins du monde, les coproductions internationales se multiplient. «Transatlantique» est une œuvre américano-franco-allemande, créée par Anna Winger (à qui l’on doit la magnifique «Unorthodox») avec un casting venu d’Autriche, des États-Unis, de France ou encore d’Israël.
Programmée sur AppleTV+ en avril, «Les Gouttes de Dieu» est l’adaptation d’un manga japonais, par un scénariste français, réalisé par un Israélien, avec au casting la star nippone Tomohisa Yamashita (vu dans «Alice in Borderland»).
Le sujet, quant à lui, paraît au premier abord bien franchouillard: un œnologue français réputé laisse sa fille biologique et son meilleur apprenti (japonais) se disputer son héritage, une cave exceptionnellement bien remplie, en passant des tests de reconnaissance de spiritueux. On n’a pas fini de voir des artistes de pays différents collaborer pour donner vie à des histoires universelles.