«Les Papillons noirs»
Les Bonnie & Clyde français débarquent sur Netflix

La série française «Les Papillons noirs», qui vient de débarquer sur Netflix, met en scène un couple de tueurs en série dans les années 1960 et 1970. Entre reconstitution historique, suspense à son comble et casting parfait, elle a de solides arguments.
Publié: 21.10.2022 à 18:34 heures
«Les Papillons noirs» ne ressemble à aucun des «true crime» qui font régulièrement le succès de la plateforme de streaming.
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Margaux BaralonJournaliste Blick

Encore des tueurs en série sur Netflix! Oui, le procédé semble usé jusqu’à la corde, le sujet vu et revu. Et pourtant, «Les Papillons noirs» ne ressemble à aucun des «true crime» qui font régulièrement le succès de la plateforme. D’abord parce que ce n’en est pas un: le scénario de ces six épisodes est inventé de toutes pièces par deux scénaristes et showrunners français, Bruno Merle et Olivier Abbou. Ensuite car la série se démarque par sa richesse et sa densité, refusant catégoriquement tout voyeurisme pour préférer l’écriture de ses personnages et les jeux d’ambiance qui feront sa force.

Au départ, il n’y a d’ailleurs pas l’ombre d’un tueur en série à l’horizon. Adrien Winckler est écrivain, auteur d’un best-seller quelques années auparavant. Accoucher d’un deuxième livre est beaucoup plus difficile, malgré les encouragements de sa femme, Nora, une chercheuse en épigénétique. Pour continuer de payer ses factures, Adrien joue parfois les prête-plumes de gens désireux de coucher leur biographie sur le papier. Lorsque Albert Desiderio, vieil homme malade, l’appelle pour qu’il écrive ses mémoires, Adrien est loin de se douter qu’elles regorgent de crimes violents.

Le déploiement de la violence

Commence alors une deuxième histoire. Celle d’Albert et Solange, enfants misérables de l’après-guerre qui ont juré de s’aimer pour toujours. Ensemble, ils ouvrent un salon de coiffure à la fin des années 1960, dansent, vont à la plage et rêvent d’une belle vie simple. Jusqu’au jour où un homme tente de violer Solange, qui lui plante un tire-bouchon dans le cou pour se défendre. Les deux amants se découvrent alors une attirance certaine pour le meurtre et, tels les Bonnie & Clyde de la campagne française, vont semer la mort sur leur passage pendant plusieurs décennies.

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«Les Papillons noirs» sonde les pulsions de ses personnages sans esquive, mais pas sans tendresse, donnant toujours à apprécier en chacun d’eux, à défaut d’excuser. Il est question ici des violences faites aux femmes (Albert et Solange s’en prennent d’abord à des hommes qui ne respectent pas le consentement des dames) mais aussi, et peut-être même surtout, du déploiement de cette violence. Elle se transmet d’individu en individu et de génération en génération, quand l’amour, lui, est régulièrement coupé, interrompu ou manifesté de façon particulièrement maladroite.

Ce qui frappe d’abord dans la série, c’est l’indéniable qualité des interprètes, à la hauteur de l’écriture de chaque personnage. Nicolas Duvauchelle offre sa fragilité et sa nervosité à Adrien tandis que la carrure de Niels Arestrup sied parfaitement au rôle d’Albert. Alex Granberger, qui joue le tueur en série dans sa jeunesse pleine de pantalons évasés et de chemisettes colorées, est même reparti du festival Séries Mania avec un prix d’interprétation.

Ambiance vintage et ruptures de ton

Mais «Les Papillons noirs» est d’abord et avant tout une série d’ambiance, servie par la photographie soignée d’Antoine Sanier. Toutes les tribulations du duo d’assassins dans les années 1960 et 1970 bénéficient d’une reconstitution historique minutieuse, aux teintes solaires et à la bande-son délicieusement rétro. Motifs vichy, vinyles et choucroute à la Brigitte Bardot, tout y est. C’est d’ailleurs précisément parce que la violence et la sauvagerie bousculent ces images idylliques qu’elles sont aussi frappantes, sans que les réalisateurs aient vraiment besoin d’en faire des tonnes dans ce qu’ils montrent.

Car Bruno Merle et Olivier Abbou aiment les ruptures de ton. À la photographie saturée de jaune répond celle, bien plus sombre, utilisée pour toutes les scènes qui se déroulent au présent. Les cinéastes rendent un hommage appuyé au giallo italien, ce genre popularisé notamment par le cinéma de Dario Argento, qui mêle horreur et érotisme. Avec ses couleurs vives, ses contrastes poussés au maximum, son montage saccadé, «Les Papillons noirs» démontre que la recherche esthétique n’est pas réservée qu’au cinéma. Et à l’heure où la production de séries est pléthorique, il est plaisant d’en voir une à l’identité si marquée, qu’on ne peut confondre avec aucune autre.

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