Les Européens ont besoin d’Elon Musk. Au moment où Donald Trump impose «l’Amérique d’abord» comme consigne à tous les futurs membres de son administration, l’affirmation peut sembler contradictoire. Elle est pourtant logique, alors que la conférence COP 29 sur le climat vient de s’ouvrir à Bakou, en Azerbaïdjan, État pétrolier de la mer Caspienne.
Qui d’autre que le milliardaire, patron du constructeur de véhicules électriques Tesla, de la firme spatiale Space X et du réseau internet par satellite Starlink peut faire entendre raison au président élu sur le fait que notre planète est en grave danger de suffocation? Et qui d’autre, surtout, a les moyens technologiques et financiers pour soutenir les acteurs privés de la transition verte aux États-Unis?
Les deux Elon Musk
Il faut bien comprendre qu’il y a deux Elon Musk. Le premier est un milliardaire libertarien invétéré et fanatique, pour qui l’État est devenu le principal prédateur de nos libertés. C’est avec celui-ci que l’ancien commissaire européen Thierry Breton, alors responsable du marché intérieur et de la régulation des plates-formes, avait à juste titre engagé un duel en août 2024, lui enjoignant par lettre de veiller à ce que sa plate-forme X respecte les règles de l’UE.
Le deuxième Elon Musk est un innovateur conscient des risques que le réchauffement climatique fait courir à notre planète. Musk sait que la terre n’est pas plate. Il n’a pas, contrairement à de nombreux partisans de Donald Trump, l’Ancien Testament sur les genoux pour y trouver les solutions aux problèmes d’aujourd’hui. Il sait que l’activité humaine entraîne un réchauffement du globe. «Au fil du temps, si nous continuons à agir de la sorte, la composition chimique de notre atmosphère changera suffisamment pour induire un changement climatique significatif» a-t-il reconnu sur son compte X.
Le destin de l’Europe
Elon Musk est, en plus, un investisseur significatif sur le continent européen dans les technologies qui peuvent changer le cours des choses. La Gigafactory Berlin-Brandenburg, en Allemagne, est le premier site de production de Tesla en Europe et son usine la plus avancée. Un autre site opère à Tilbourg, aux Pays-Bas. L’intérêt des pays de l’Union européenne et de leurs partenaires les plus proches, comme la Suisse, n’est donc pas de l’antagoniser, ou de la diaboliser même si ses méthodes et son plaidoyer pour une libre expression sans entraves sont contestables.
Les émissions nettes de gaz à effet de serre en provenance du Vieux Continent ne pourront pas être réduites d’au moins 55% d’ici à 2030 par rapport aux niveaux de 1990 (comme le prévoit le Pacte vert de l’UE adopté en juillet 2023) sans l’apport d’Elon Musk et de tous les innovateurs qu’il draine dans son sillage. La question est donc de savoir comment l’homme le plus riche du monde peut être convaincu que la cause climatique européenne et celle des États-Unis doivent être défendues simultanément. Et comment, sur ce point du climat, il peut mettre ses forces de communication au service du bien commun, et non d’un chaos prévisible pour tous.
Elon Musk fait peur. Il inquiète. Il est outrancier. Il s’avère aussi être un redoutable industriel, bien décidé à profiter de la manne publique américaine, et un négociateur impitoyable. Mais il est un entrepreneur global, pour qui le marché européen est absolument crucial. Sur le climat, ce sujet qui nous concerne tous, travailler avec lui doit être le mot d’ordre.