Une victoire pour les femmes. Pour toutes celles qui, à travers le monde, défendent le droit à disposer de leurs corps au XXIe siècle, la constitutionnalisation de l’interruption volontaire de grossesse, ce lundi 4 mars à Versailles, est bien plus qu’un progrès sociétal. Elle marque la volonté d’ancrer ce droit dans le marbre des lois suprêmes, celles que les démocraties ne défont en général qu’en temps de crise. La France peut, ainsi, légitimement considérer qu’elle est l’avant-garde. L’idéal de liberté associé au mythe de la femme française ne peut qu’en sortir renforcé et magnifié.
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Cette victoire ne clôt toutefois pas le combat des féministes. D’abord parce que le débat démocratique exige de respecter et d’entendre tous ceux qui continuent d’opposer le droit à l’avortement. Ensuite parce que voir un droit scellé dans la constitution ne signifie malheureusement pas qu’il est à la portée de toutes. Les hôpitaux qui pratiquent les IVG sont de moins en moins nombreux. Des femmes désireuses d’avorter se retrouvent obligées de faire des centaines de kilomètres pour trouver un praticien.
Cette réalité n’est pas juridique. Elle est médicale et humaine. Ce combat-là, malheureusement, doit être mené tous les jours avec obstination tant les obstacles s’accumulent, parfois liés à la désertification médicale, et parfois engendrés par les refus de pratiquer cet acte pourtant légal et, désormais, constitutionnel.
Une journée symbolique
La leçon à tirer de cette journée symbolique n’est donc certainement pas un sentiment de devoir accompli. Car le devoir de la défense des droits des femmes reste à accomplir.
Dans trop de pays, l’obscurantisme religieux, les folies idéologiques, les traditions, la main mise du clergé sur la politique ou les rêves natalistes de régimes autoritaires restent des étouffoirs dans lesquelles des mères se retrouvent prises au piège, obligées d’accepter une logique masculine, dictée par des hommes pour des hommes.
Rien ne serait pire qu’une France isolée, tandis que de plus en plus de pays, y compris démocratiques comme les États-Unis, remettent en cause cette liberté fondamentale qu’est le droit d’une femme à disposer de son corps.
Ne pas diviser
L’autre enseignement de cette journée est qu’une constitution n’a pas pour but de diviser, mais de rassembler. Arguer de l’inscription de l’IVG dans le texte pilier de la République française ne doit pas conduire à humilier, et à marginaliser tous ceux qui, pour des raisons qui leur sont propres, refusent cette évolution sociétale. Les Églises, qui défendent le droit à la vie, ne doivent pas être perçues comme perdantes de ce combat. Leur message doit continuer d’être entendu.
L’avortement ne peut pas devenir une chose banale, qui ferait du corps des femmes un simple outil de reproduction. La douleur d’une interruption volontaire de grossesse, ses conséquences et le choc psychologique qui l’accompagnent ne vont pas disparaître par la grâce d’un acte juridique, aussi fondamental soit-il. Le respect, l’écoute, la compréhension et l’empathie restent, sur cette douloureuse question de l’IVG, des impératifs indispensables.
L’IVG dans la constitution française n’est, enfin, pas une victoire à brandir avec véhémence contre des adversaires. Ce serait, alors, trahir le message de liberté véhiculé par le nouvel alinéa à son article 34. C’est d’abord la reconnaissance d’une avancée qui n’a de sens que si elle s’accompagne de justice, de défense de la vie humaine, et du désir de ne pas imposer un quelconque modèle de société.
Le combat pour les droits des femmes n’est pas clos. Il doit se poursuivre. Dans le respect de toutes les réalités, de toutes les cultures. Et de tout ce que signifie ce moment de la vie d’une femme sans lequel aucun homme ne pourrait vivre et débattre: la maternité.