1998-2022. 24 ans d’abonnement général. J’ai consacré une bonne moitié de ma vie dans le train. Une passion ferrovipathe à sillonner les rails du pays, même du continent pour les vacances. Et puis voilà, un jour de 2022, un peu après le Covid, j’en ai eu marre.
Je me suis rendu compte qu’un aller-retour à Berne me prenait plus de cinq heures, là où il faut deux heures et quart en voiture. Que les embouteillages me pèsent bien moins que la promiscuité des trains bondés. Que les travaux autoroutiers n’avaient rien à envier aux gares en chantier, aux voies coupées, aux horaires d’été, de nuit, de week-end, de vacances, de tous ces moments où l’on est censé rester à la maison. Que les milliards arrosés aux chemins de fer ne suffisaient jamais.
Jeu de piste pour arriver jusqu'à la gare
Comme beaucoup de Suisses, j’habite une région où prendre le train implique – à moins d’être masochiste – de prendre d’abord la voiture. Et les autorités compétentes (qui ne doivent jamais prendre le bus, du moins celui qu’ils souhaitent nous voir prendre) s’amusent régulièrement à pondre des projets pour nous décourager encore un peu plus de prendre les transports publics.
Par exemple en réduisant encore les P+R disponibles. En nous imposant des jeux de pistes avec un bus, un tram, un vélo pour arriver dans une gare qui nous mènera enfin dans une ville. Ce matin encore, j’ai vu des contractuels arroser de PV des automobilistes qui avaient eu la mauvaise idée de prendre le train à Aigle et d’y stationner leur voiture, là où les places ont été remplacées par un chantier. Voilà comment la bagnole gagne des clients.
Des promesses…
Bref. En 2022, je me suis acheté une voiture électrique, silencieuse, confortable et à moitié automatique. Certains posent les plaques, moi j’ai rendu mon AG. Non pas que je sois opposé au train par principe. Mes kilomètres parcourus démontrent le contraire par mes actes. Mais les promesses de voir le réseau s’améliorer ne me rendent plus joyeux. Elles ne vaudront que pour mes enfants s’ils ont de la chance. Peut-être leurs enfants. Ou peut-être pour personne: elles resteront dans les rapports indigestes des planificateurs qui veulent notre bien.
Je ne doute pas une seconde que les moralisateurs de tout poil chercheront à me punir de mon exécrable forfait. Que pour me faire aimer de nouveau le train, on me taxera, on me ralentira, on m’embouchonnera. Que l’on me fera porter la croix de l’automobiliste méchant et égoïste.
Mais à la fin, si c’est en cassant la bagnole qu’on espèrera rendre les transports publics attractifs, c’est notre qualité de vie qu’on démolira.