Viola Amherd a surpris le petit monde politico-médiatique suisse en annonçant sa démission du Conseil fédéral après six ans d’activité pour la prochaine session parlementaire. Immédiatement et avec engouement, les journalistes et les expert-e-s ont commencé à inventorier les multiples prétendants «naturels» et «attendus» pour remplacer Viola Amherd et accéder à la fonction suprême de la politique suisse.
Tous les favoris, sans exception, ont décliné. Les outsiders avaient dès lors une opportunité en or à saisir. Mais, à nouveau, les un-e-s après les autres, ces challengers ont déclaré ne pas vouloir candidater. Le Centre s’est donc retrouvé démuni face aux refus successifs de ses têtes d’affiche…
Sacrifier sa vie privée pour un poste, non merci!
Au-delà de la crise potentielle au sein de l’ex-PDC, il est primordial de souligner les raisons de ces multiples refus. La vie privée et familiale a à chaque fois été mise en avant pour expliquer ces renoncements. Même si la fonction est attrayante, qu’elle offre du pouvoir, du prestige, ces favoris, désignés par leurs pairs et les médias, ont assumé de vouloir privilégier le (peu) de temps à leur disposition avec leurs enfants, leur famille et leurs ami-e-s plutôt que de se consacrer corps et âme à la fonction de Conseiller ou Conseillère fédéral-e.
Ce qui est également à relever, c’est que ni les politiques ni les journalistes n’ont virulemment critiqué cette posture. Que des élu-e-s du parti conservateur historique de Suisse tiennent ce genre de discours et que ce dernier passe comme une lettre à la poste, cela dénote un changement de paradigme important de la manière avec laquelle l’accès au Conseil fédéral est appréhendé. Désormais, il est communément admis de ne pas vouloir tout sacrifier pour une fonction et ce même au plus haut niveau de la politique suisse!
Saisir l’opportunité pour réformer nos institutions
Ce cas de figure inédit est amené à se reproduire. Il est déjà en outre possible de le constater à d’autres échelons de la politique ainsi que dans le privé. Les fonctions de direction, autrefois vues comme prestigieuses, peinent à convaincre des profils de plus en plus exigeants, notamment sur les questions de conciliation vie privée et vie professionnelle.
Cette succession de Viola Amherd nous offre l’occasion de réfléchir aux solutions pour mieux faire correspondre les fonctions d’exécutif politique et les aspirations d’une (nouvelle) génération qui n’est plus prête à sacrifier sa vie privée, quelques loisirs et la possibilité de voir grandir ses enfants pour une fonction dirigeante.
Si rien n’est fait, fort est à parier que cette crise des vocations s’intensifiera. Autant dire que cela éloignera encore plus les exécutifs et en particulier le Conseil fédéral des attentes et des besoins de la population et renforcera l’idée d’une fonction où le travail engloutit tout le reste. Un vrai cercle vicieux…
Un Conseil fédéral à 9 ou plus
Soyons ambitieux et osons réformer notre Conseil fédéral! Faisons évoluer cette formule magique en proposant, par exemple, d’augmenter le nombre de Conseillers et Conseillères fédérales. En passant à 9 ou plus, le Conseil fédéral pourrait diluer son cahier des charges sur plus de personnes et ainsi réduire le poids que la fonction représente. Ceci améliorerait l’attractivité du poste en permettant de consacrer une part non-négligeable de son temps à ses proches.
Cette option aurait également l’avantage d’ouvrir l’accès de notre exécutif fédéral à plus de partis et à plus de profils. Cela lui permettrait d’être plus représentatif de l’immense variété de la population suisse. On pourrait également imaginer des quotas pour garantir des sièges aux minorités, qu’elles soient de genre, linguistiques ou cantonales. On pourrait même requestionner les modalités d’élections…
Ces propositions sont à leurs prémices. Elles ne sont certainement pas toutes pertinentes, ni propre à résoudre en deux coups de cuillère à pot toute la complexité de la tâche qui s’annonce, mais il est essentiel de réformer nos institutions afin que la vitalité de notre chère démocratie suisse puisse perdurer.