Ira? N'ira pas? Pendant des semaines, Christophe Darbellay a fait durer le suspense. Même l'annonce de la candidature du conseiller national saint-gallois et président de l'Union suisse paysans Markus Ritter n'a pas motivé le centriste Valaisan à rompre le silence. Il a fallu attendre dimanche soir pour que son parti, le Centre du Valais Romand, organise finalement un événement dans une salle polyvalente peu reluisante de Charrat, non loin de Martigny.
Et Christophe Darbellay ne s'est pas privé de prolonger l'attente en détaillant pendant de longues minutes et de manière presque exhaustive les réflexions qu'il s'était faites au cours des dernières semaines. Puis, après une ultime pause, le Valaisan a finalement annoncé qu'il ne briguerait pas la succession de Viola Amherd.
Un refus soigneusement mis en scène
Ce renoncement, Christophe Darbellay l'a notamment justifié par sa volonté de briguer un troisième mandat au Conseil d'Etat valaisan. Le Valaisan l'assure: il a pris sa décision «après une longue et mûre réflexion». «Si un politicien instinctif a besoin d'un temps aussi long pour réfléchir, cela signifie quelque chose», a-t-il expliqué aux journalistes qui avaient fait le déplacement en Valais.
Le Centre du Valais romand a travaillé d'arrache-pied pour cet événement. Un dimanche qui plus est. Surprenant, lorsque l'on sait que la section valaisanne du parti reste profondément chrétienne. D'ailleurs pourquoi organiser un tel show pour annoncer un renoncement?
Ces dernières semaines, les favoris se sont retirés les uns après les autres, mais aucun ne s'est mis en scène comme Christophe Darbellay. Le président du parti Gerhard Pfister, du chef du groupe parlementaire du Centre Philipp Matthias Bregy, du conseiller national Martin Candinas et les conseillers aux Etats Isabelle Chassot, Andrea Gmür ou Benedikt Würth se sont tous contentés d'un communiqué, voire d'une interview.
Avec lui, c'est «Valais first!»
Mais avec Christophe Darbellay, c'est différent. Celui qui est arrivé à Berne en tant que jeune conseiller national et qui a présidé pendant une décennie le Parti démocrate chrétien (PDC), renommé le Centre par la suite, est un politicien d'exception. Un renard de la politique, éloquent et conscient de son pouvoir, qui a toujours eu un certain don pour les «bonnes» déclarations. Récemment, le vétéran valaisan du Parti socialiste (PS) Peter Bodemann faisait encore l'éloge de son «flair pour les opportunités politiques» dans les pages du «Tages-Anzeiger».
Quant à l'opportunité du Conseil fédéral, il semble avoir trouvé un moyen de la saisir... sans y aller! En mettant en scène ce renoncement, Christoph Darbellay a également mis en scène son choix de privilégier le Valais. Avec en ligne de mire, les prochaines élections cantonales.
«Il n'est pas facile de vivre avec deux cœurs dans la poitrine», a-t-il déclaré. Avant d'expliquer que le timing ne lui convenait pas et que, dans ce contexte, il préférait faire du Valais sa priorité. Le Centriste a également juré qu'il n'avait fait son choix que dimanche matin, réfutant toute stratégie électoraliste.
Mauvais timing
Il est vrai que le timing de la démission de Viola Amherd tombe sans aucun doute mal pour Christophe Darbellay. Les élections cantonales valaisannes se tiendront le 2 mars, dix jours seulement avant l'élection du Conseil fédéral. L'édile du Centre doit donc bientôt entrer en campagne.
Pour être sûr de ne pas se retrouver sans mandat, Christophe Darbellay aurait donc dû se présenter à la fois au Conseil fédéral et au Conseil d'Etat. En d'autres termes, à peine réélu chez lui, il aurait peut-être dû démissionner pour pouvoir siéger à Berne.
Des vieilles affaires rédhibitoires?
Peut-être que l'instinctif Christophe Darbellay a aussi flairé un certain retour de flammes lié à d'anciennes affaires. Le centriste avait par exemple apporté son soutien à Yannick Buttet, ex-conseiller national PDC condamné pour harcèlement, lorsqu'il était devenu – de manière éphémère – président de la Chambre valaisanne du tourisme.
De quoi agacer la gauche, qui aurait ainsi pu le priver de certaines voix. Et comme il avait activement pris part à l'éviction de Christoph Blocher du Conseil fédéral en 2007, il n'aurait guère pu compter sur le soutien de l'UDC.
Markus Ritter sera-t-il le seul candidat?
Pour l'instant, on en reste donc à une seule candidature pour la succession de Viola Amherd. Après de nombreux désistements, Markus Ritter est actuellement seul sur la ligne de départ. Sera-t-il accompagné par quelqu'un d'autre sur le ticket?
Les partis cantonaux ont jusqu'à lundi pour annoncer leurs candidats à la commission de recherche interne. Si le Centre devait présenter un ticket unique, le mécontentement serait grand au sein des autres partis. Même Christophe Darbellay reconnaît qu'une telle situation serait «défavorable».
Personne ne veut du DDPS
En coulisses, les refus sont notamment motivés par le fait que le nouveau conseiller fédéral élu devra selon toute vraisemblance reprendre le Département de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS). Nombreux sont ceux qui ne veulent pas s'infliger une telle peine, surtout au vu de la majorité de droite qui règne au sein du Conseil fédéral.
La conseillère nationale fribourgeoise Marie-France Roth Pasquier doit encore annoncer sa décision lundi, tout comme la Bâloise Elisabeth Schneider-Schneiter et la Zurichoise Nicole Barandun. Leurs noms n'ont commencé à circuler qu'après la succession de désistements.