Peu de gens le savent, mais avant d’exercer mon métier d’avocate, j’ai travaillé pendant plusieurs années au sein de l’Union européenne des associations de football (UEFA) et j’ai poursuivi ma formation en droit du sport.
Il est vrai aussi que le sport n’est pas un de mes sujets politiques de prédilection. Pourtant, je vais, aujourd’hui, faire une exception pour le Lausanne Hockey Club (LHC). Ce dernier fait beaucoup parler de lui ces temps. Et malheureusement que pour de mauvaises raisons.
L’une d’entre elles est le financement de la campagne d’un politicien de droite. Je ne vais pas m’étendre sur les raisons qui font que cette décision du club était, au minimum, complètement absurde. Je ne vais pas tirer sur l’ambulance, d’autres l’ont fait avant moi.
Le LHC doit rester apolitique
Je vais plutôt essayer d’expliquer pourquoi cette équipe est importante pour la cohésion cantonale et, de facto, pourquoi elle doit impérativement rester en dehors de l’arène politique.
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Le sport peut être considéré comme un fait social total. Il est un fait humain, historique, culturel, politique, économique, médiatique, sacré ou religieux. Il façonne la culture de la société qui le produit selon une logique de construction réciproque.
Le LHC entre totalement dans cette logique dans le canton. Il a marqué la vie de nombreux d’entre nous. Tantôt certains se rappellent avec nostalgie des années à Montchoisi, tantôt d’autres se rappellent des années maudites avec Marc Savard et le mythique blog non officiel de Heikke Leime en LNB.
Bref, ce club a fait vivre des émotions complètement irrationnelles au peuple vaudois, alternant des hauts et des bas sans aucune mesure ni même aucune logique. Et c’est surtout pour ça qu’on aime le LHC.
Un club pour la cohésion sociale
À notre échelle, celle d’un canton tantôt urbain, ou montagnard, dans un canton multiple et varié, où les différences de réalités entre les habitants qui le composent peuvent être importantes, il est essentiel de bénéficier d’une «chapelle» commune qui nous exalte et nous réunit.
Un lieu qui permet la création et le maintien du lien social. Le LHC — dans sa patinoire flambant neuve financée en grande partie par les collectivités publiques — porte ce rôle. À la patinoire, un soir de match, la communion autour d’une équipe réunit des personnes qui n’auraient aucune raison de se croiser le reste de la semaine. Les joies et les tristesses qui accompagnent une saison de championnat sont des facteurs de cohésion sociale que peu d’autres activités permettent de porter.
Alors quand la direction du LHC décide de financer la campagne politique d’un élu local et de tomber ainsi dans le jeu de la politique partisane, elle se fourvoie complètement et prend le risque de rompre le pacte qui lie le club aux Vaudoises et aux Vaudois. En choisissant un parti politique plutôt qu’un autre, un homme plutôt qu’un autre, le club écorne son lien avec certains d’entre nous. Pour moi, ce lien est précieux, surtout dans une société qui en manque de plus en plus.
Arthur Rimbaud a mêlé dans son poème émotions, révolte, dérive et expérimentation. Comme le bateau ivre, le LHC a dérivé. La révolte a grondé, même parmi ses plus fidèles supporters. Les excuses sont arrivées en forme d’expérimentation d’une politique nouvelle. Il reste donc les émotions, qu’on espère enfin positives.