Rappelez-moi, c’est quand la dernière fois que vous avez vu le derge de votre boss? Non, je demande, parce que, d’abord, si c’est le cas et selon les circonstances, je vous encourage vivement à en parler. Blague à part…
Moi, j’ai décidé d’en parler. Pas du séant de mon patron – Dieu merci. Mais bien de mon derrière, et de son rapport aux autres. Ah bah oui, Madame, parce que le cul de Monsieur est bien sociable. Parce que, ici, c’est moi le patron. Et c’est moi qui m’exhibe à longueur d’année devant mes employés. Oui, Madame, mes auxiliaires de vie. Celles et ceux qui m’aident à aller au petit coin, cinq minutes avant que je leur explique que «malheureusement, mais ce n’est pas contre toi, je vais devoir mettre un terme à notre collaboration…» Une façon de manager qui ferait saliver les meilleurs technocrates.
Vous avez déjà pensé à votre dépendance?
On a déjà parlé quelquefois d’autonomie. De ce que cela veut dire «être autonome», de ce que cela représente «ne pas pouvoir se mouvoir». Bref, au-delà de la définition même du handicap, on a parcouru une quantité de réalités sociales et sanitaires. Une quantité astronomique. N’y voyez aucun rapport avec ma lune.
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Mais quel rapport avec mon arrière-train, allez-vous me dire? Celui de l’intimité, vais-je vous répondre. Quand aucun mouvement n’est possible, tel un château de cartes, sans trop de pitié, l’intimité d’une personne s’écroule. Assez sérieusement. Et puis, comme si ça ne suffisait pas, la plupart du temps, assez durablement.
Vous avez déjà pensé à votre dépendance? Oui, un jour, à moins d’un accident fatal – ce que je ne vous souhaite pas –, vous deviendrez dépendante ou dépendant d’autrui. On est tous le dépendant de quelqu’un. Il y a même un mot pour cela: la parentification. Quel joli nom!
Montrer ses fesses à 1200 personnes
Quand on est en situation de dépendance depuis sa plus tendre enfance, son intimité, ses parties secrètes, on les montrera à bien du monde. Selon les derniers rapports proposés par plusieurs universités européennes: une personne entravée dans son indépendance dès sa naissance exposera son ithyphalle ou sa nymphe à plus de 1200 personnes. C’est plus que tous les partenaires sexuels de Hugh Hefner et Lindsay Lohan. Pour l’égalité des s… chances.
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Si mon calcul est bon, j’ai donc déjà uriné devant plus de 250 personnes. Différentes. Unique. Si mon calcul est bon, j’ai montré mon cul à l’ensemble du village de Premier, dans le district du Jura vaudois. Un joli nom pour un village si voyeur.
Résiliant face à sa pudeur
Mais on a beau rire, sortir les chiffres, faire avec ceux-ci des analogies – de nouveau, aucun rapport avec mon coccyx –, j’ai dû apprendre à me construire sans aucune intimité physique. Je pouvais bien y renoncer. Comme l’été de mes 14 ans, où j’ai carrément refusé que l’on m’aide à me laver durant pratiquement deux mois. «Je veux le faire moi-même», répétais-je à tous ceux et toutes celles qui, dans la chaleur de cette canicule transpirante, osaient m’approcher. C’était décidé, plus personne ne verrait mon corps!
Et puis, d’un coup, cette envie pressante m’a ramené à la réalité. Si je veux pouvoir vivre, avec un maximum d’autonomie, il va falloir être résiliant quant à sa pudeur. Apprendre à faire la part des choses entre le nécessaire et le facultatif. Laisser ce nouvel auxiliaire de vie en journée d’essai, que je ne verrai peut-être jamais, apprendre à me laver et, ainsi, me découvrir nu comme un ver: le nécessaire. Permettre à cette jeune stagiaire en soins de seize ans de me nettoyer les fesses, alors que j’ai à peine deux ans de plus qu’elle; le facultatif. Il faut savoir mettre ses limites. Cependant, vous savez où j’ai fini par la mettre, mon intimité? Je vous laisse tout loisir de me répondre.
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