Chloé Frammery doit faire partie des 246 membres de l’Assemblée fédérale, qui sera renouvelée lors des élections de cet automne. Ce n’est pas un vœu pieux: la militante coronasceptique genevoise a obtenu début août le nombre de signatures requis pour se porter candidate au Conseil national.
Il faut que cette Don Quichotte du bout du Léman, opposante notoire aux mesures sanitaires lors de la pandémie, puisse se battre contre ses moulins à vent à Berne. Pas pour flatter son ego contrarié. Ni pour lui offrir une légitimité que les réseaux sociaux ne lui apporteront jamais. Encore moins pour valider ses thèses qualifiées par certains de farfelues et par d’autres, moins complaisants, de dangereuses.
Garantir la paix sociale
Mais pour quoi, alors? Envoyer Chloé Frammery sous la Coupole, c’est garantir une juste représentation des sensibilités. Or, depuis le Covid, une armée de sceptiques dont nous avions sous-estimé les effectifs s'est révélée au grand jour. Pour garantir notre paix sociale, ces femmes et ces hommes doivent avoir leur mot à dire à la Chambre basse, miroir de notre société.
En juin, la démocratie a fait son œuvre. Le peuple a approuvé la base légale qui régit les mesures contre la pandémie pour la troisième fois. Mais 38% des votantes et des votants s’y étaient opposés.
Toutes ces personnes ne se retrouvent pas dans les positions de l’Union démocratique du centre (UDC), seul parti gouvernemental qui penchait alors du côté des référendaires. Elles ne se retrouveront pas forcément non plus dans tous les combats et l’esprit critique très personnel de l’ancienne enseignante de mathématique au Cycle d’orientation, licenciée en septembre dernier.
Les antisciences ont le droit d'exister
La candidature de celle qu’on dit proche de Dieudonné aura cependant le mérite de proposer une granularité qui fait actuellement défaut de ce côté-ci de la Sarine. Permettre à toutes les minorités — y compris celle antiscience — de peser de leur juste poids sur la scène politique est probablement la meilleure des manières d’éviter que les frustrations explosent jusqu'à une division irrémédiable de notre société.
Faire adhérer les trublions à l’Etat de droit et à ses institutions qui servent à organiser le vivre ensemble, quelle belle réussite typiquement suisse! Et qui sait, cette empêcheuse de tourner en rond, qui devra tout de même adopter certains codes en cas d’élection, pourrait même secouer un parlement et une administration parfois un peu trop ronronnants.