Chronique de Nicolas Capt
Parler aux morts: la nouvelle folle promesse de l’IA

Me Nicolas Capt, avocat en droit des médias, décortique deux fois par mois un sujet d’actualité pour Blick. Cette semaine, il revient sur la dernière promesse de l'intelligence artificielle: parler aux morts.
Publié: 01.05.2024 à 11:51 heures
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Dernière mise à jour: 02.05.2024 à 16:29 heures
L'IA fait une nouvelle promesse: cloner les défunts afin de pouvoir leur parler.
Photo: DUKAS
Nicolas Capt, avocat en droit des médias

On lui confiait déjà nos lettres de motivation, nos demandes de conseils médicaux ou de vie et nos données professionnelles. Mais voilà que l’intelligence artificielle ambitionne désormais de grignoter un champ encore plus intime de nos existences: nos proches disparus.

C’est ainsi que des milliers de «personnes numériques» (comprendre par là des sortes d’avatars dématérialisés) ont été créées, notamment en Chine et aux Etats-Unis, sur la base d’informations et de données, notamment de vidéos, remises par des proches plongés dans le chagrin de la disparition, qui d’un fils, qui d’une épouse. L’objectif poursuivi par des entreprises telles que Silicon Intelligence, Here-After, Storyfile ou encore Super Brain, et visiblement souhaité par leur clientèle, est en quelque sorte de ressusciter les défunts, en clonant leur visage et leur voix.

Les affres de l'empathie artificielle

Doudou numérique pour les uns, cauchemar technophilie symptomatique de l’ultra-moderne solitude que chantait Alain Souchon, les réactions sont pour le moins contrastées face à ce qui s’annonce comme la création d’une forme d’immortalité numérique de surface. Et d’aucuns, parmi les clients de ces avatars, de souhaiter l’avènement de l’étape ultime: la rencontre et la fusion dans le métavers, lieu de rencontre promis aux vivants et aux défunts réincarnés.

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«Et si le meilleur remède était de passer du temps avec ceux que l’on aime?»
Nicolas Capt, avocat en droit des médias
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Source pour certains de réconfort – par le son de la voix et la vue de l’image reconstituée du défunt – l’interaction se complète de réponses formées par un agent conversationnel mu par l’IA et qui donne à l’utilisateur l’impression de converser avec un proche disparu. Evidemment, le risque de prendre pour argent comptant les conseils livrés par une IA déguisée en l’un de votre proche disparu est grand et convoque les affres de l’empathie artificielle. Et le fait de recourir à ces avatars pourrait bien entraver sérieusement le processus de deuil, lequel nécessite précisément la perte et son acceptation.

Et si le meilleur remède était de passer du temps avec ceux que l’on aime en attendant le grand départ? 

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