Pour un peu, on dirait la scène tout droit sortie de la Guerre des Boutons de Louis Pergaud: des centaines de ballons chargés d’immondices (mégots, excréments d’animaux et autres matières pestilentielles) ont été lâchés ces dernières semaines par la Corée du Nord en direction de son aimable voisin du Sud. Visuellement, ces missiles doux ressemblent à une forme de ballon sonde météorologique auquel aurait été greffé un paquetage.
Pour le moins étonnante, cette pratique fait écho à d’autres démarches tout aussi désarçonnantes proposées quant à elle par la Corée du Sud, comme l’utilisation de hauts parleurs géants diffusant, en direction de la zone démilitarisée qui longe le Nord, des chansons de K-Pop ou l’envoi de ballons, là encore, mais vers le Nord cette fois, charriant des tracts sur la démocratie ou des clés USB contenant des séries télévisées Sud coréennes.
La propagande sonore, une histoire vielle comme la guerre
Etrange grammaire que cette guerre du ciel un peu bravache propose, ce d’autant que le recours à la propagande sonore ne date pas d’hier et remonte à la guerre de Corée (1950-1953) et que de cette propagande des cieux, se détache même un lexique particulier: les ballons de déchets sont désignés par le Nord comme des « cadeaux sincères », tandis que les tracts et séries de propagande envoyée par les airs depuis le Sud se qualifient de «messages de lumière».
Reste que ces provocations réciproques, si elles peuvent faire sourire, ne doivent pas occulter le risque d’une reprise d’un conflit armé en sourdine mais techniquement toujours en cours, le Nord s’étant ayant d’ores et déjà réservé le droit d’employer l’artillerie contre les hauts parleurs s’ils n’étaient pas éteints, voire de reprendre ses tirs en mer jaune. Quand on vous disait qu’il ne faut jamais sous-estimer les conflits de voisinage.