Chronique de Jessica Jaccoud
Il est grand temps de dire stop à la tonte des locataires!

La députée socialiste vaudoise Jessica Jaccoud, membre de notre équipe de chroniqueurs, aborde ici l'épineuse question des loyers en Suisse. Elle dénonce un déséquilibre criant en défaveur des locataires et appelle à redéfinir les priorités politiques dans ce domaine.
Publié: 02.03.2023 à 16:01 heures
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Dernière mise à jour: 02.03.2023 à 16:26 heures
Les bailleurs ne traînent pas pour augmenter les loyers quand le taux de référence monte. En revanche, quand ce dernier baisse, les choses ne sont pas si simples pour les locataires sur le chemin d'une diminution de loyer. Et avec ça, le Parlement va examiner plusieurs projets de révisions de loi visant à affaiblir la protection juridique des locataires... (image d'illustration)
Photo: DUKAS
Jessica Jaccoud

L’Office fédéral du logement l’a annoncé mercredi: le taux d’intérêt de référence applicable aux contrats de bail reste à 1,25%. C’est une excellente nouvelle pour les locataires, et voici pourquoi.

Le taux hypothécaire de référence est un des critères qui permet aux bailleurs de fixer les loyers. Celui-ci est à 1,25% depuis le 3 mars 2020. Dès qu’il augmentera, et c’est prévu pour 2023, les bailleurs se saisiront immédiatement de cet élément pour notifier des hausses de loyers à des milliers de locataires à travers le pays.

370 francs mensuels payés en trop par ménage!

Il est utile de rappeler que le système actuel fait poser une très lourde responsabilité sur le dos des locataires. C’est en effet à eux de solliciter leur bailleur afin d’obtenir une baisse. En effet, les propriétaires n’ont pas l’obligation de diminuer automatiquement les loyers lorsque le taux d’intérêt diminue. Si cela avait été le cas, on aurait connu des baisses massives ces quinze dernières années, puisque le taux de référence est passé de 3,5% à 1,25%.

Au contraire, le marché, ne répondant qu’à des règles de maximisation des profits pour les bailleurs, a vu les loyers augmenter massivement. C’est 78 milliards de francs payés en trop par les locataires ces quinze dernières années! Rien qu’en 2021, cette somme se monte à 10,4 milliards, soit en moyenne 370 francs mensuels payés en trop par ménage locataire.

Des rendements bien trop élevés

Toutes les études le prouvent, le rendement en faveur des bailleurs est beaucoup trop élevé. Cela ne sert qu’à l’économie immobilière et non à l’économie nationale dans son ensemble. Les profits vont à celles et ceux qui détiennent le capital, les spéculateurs, qui continuent de s’enrichir. Et l’État doit fournir des aides aux ménages locataires qui n’arrivent pas à boucler leurs fins de mois. C’est la bonne vieille privatisation des bénéfices et la socialisation des pertes.

On pourrait attendre de nos autorités politiques une forme de prise de conscience. Après tout, les locataires sont majoritaires dans notre pays. Il serait donc logique que les partis majoritaires au parlement s’en soucient.

Que nenni! Plusieurs révisions de loi seront prochainement débattues au Conseil national (la semaine prochaine déjà) et au Conseil des États. Toutes visent à affaiblir la protection juridique des locataires. L’Asloca Suisse est déjà en ordre de marche afin de mener les campagnes référendaires.

Redéfinir les priorités politiques

En parallèle de cela, nous devons absolument faire de la protection contre les loyers abusifs une priorité politique. Nous y arriverons en introduisant par exemple un contrôle automatique et obligatoire sur les rendements. Il n’est plus soutenable de faire peser sur les seuls locataires la lutte contre les loyers abusifs.

Et dans ce combat pour le pouvoir d’achat des ménages, vous pourrez compter sur le Parti socialiste. Lors du Congrès qui s’est tenu à Fribourg la semaine passée, la majorité des délégués du PS se sont prononcés en faveur de l’examen d’une initiative populaire dans le domaine des loyers.

Tout porte à croire que nous allons enfin (beaucoup) parler de logement et de loyers ces prochains mois. Et ça aussi, c’est une excellente nouvelle pour les locataires.

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