C'était le sujet de la semaine dans la Berne fédérale. Plus de 15 milliards de francs de deniers publics doivent être utilisés comme dépenses extraordinaires pour contourner le frein à l'endettement via un fonds spécial. C'est ce qu'a décidé la majorité de centre-gauche de la Commission de sécurité du Conseil des États: 10,1 milliards pour une augmentation plus rapide du budget de l'armée, 5 milliards pour la reconstruction de l'Ukraine. Cette somme ne doit pas être prélevée sur le reste de l'aide au développement.
Ce plan secret a été forgé en coulisses pendant des semaines. Il s'avère que cette course aux milliards a également déclenché une lutte acharnée au sein du Conseil fédéral. La ministre PLR Karin Keller-Sutter et son Département des finances s'opposent bec et ongles au paquet de 15 milliards, tandis que la conseillère fédérale du Centre Viola Amherd et son Département de la défense (DDPS) l'alimentent. C'est du moins ce que montrent des documents internes.
Pour KKS, il manque une base légale
Il en ressort clairement qu'au vu de l'étroitesse des finances publiques, Karin Keller-Sutter veut absolument éviter de nouvelles dettes. Viola Amherd, en revanche, tente d'obtenir plus d'argent pour son armée.
Ainsi, pour le Département des finances, il est clair qu'il n'existe aucune base légale pour un tel fonds. Et il n'y a pas d'autres possibilités de faire passer le paquet de milliards de francs à côté du frein à l'endettement. Les financements extraordinaires ne sont autorisés qu'en cas de «développements exceptionnels et non gérables par la Confédération», c'est-à-dire des cas pour lesquels la politique n'a pas d'autre option. Ce n'est donc pas le cas du budget planifiable de l'armée. Par conséquent, le fonds prévu est contraire à la loi en vigueur.
Le DDPS considère que les conditions sont réunies
Le DDPS arrive à de toutes autres conclusions: «Le Parlement a la compétence de créer une telle base.» Pour lui, outre l'évaluation financière, il faut de toute façon procéder à une évaluation de la situation du point de vue de la politique de sécurité. Enfin, la situation sécuritaire en Europe, qui s'est fortement dégradée avec la guerre en Ukraine, justifie un tel montant. «Cela doit être considéré comme un événement imprévisible, surprenant et grave, et donc comme un événement extraordinaire», explique le DDPS. Ce dernier estime que le frein à l'endettement ne doit pas être considéré sur ce sujet.
Il est «essentiel» que l'armée suisse puisse rapidement augmenter sa capacité de défense. «Nous ne devons pas hésiter ou attendre pour combler les lacunes en matière de capacités, souligne le DDPS. C'est la condition pour que l'armée puisse continuer à remplir son mandat constitutionnel à l'avenir.» Avec les 10,1 milliards de francs demandés, les investissements «les plus nécessaires» pourraient être réalisés rapidement.
Pour le Département des finances de Karin Keller-Sutter en revanche, il n'est pas question de consentir à une telle charge financière. L'augmentation progressive des dépenses de l'armée doit être planifiée et mise en œuvre dans le budget ordinaire. Si les procédures habituelles ne suffisent pas, l'argent devra être économisé dans d'autres domaines.
Le duel à coup de milliards entre Viola Amherd et Karin Keller-Sutter sera tranché par le Parlement.