Pierre Burger est atterré. «Avec ma femme, nous vivons une terrible mésaventure depuis plusieurs jours, souffle-t-il à Blick. Une chose toute simple s’est transformée en un véritable cauchemar.» L’habitant de la Broye vaudoise parle de la vente — et du vol… — de son bien aimé Land Rover Defender. La Jeep avait accompagné le couple à son mariage.
Pour comprendre, il faut remonter au vendredi 22 octobre. Ce jour-là, ce technologue du lait — également membre de l’Amicale Land Rover de Suisse romande — met une annonce sur le site AutoScout24. «Ce véhicule, c’est tellement de souvenirs, tellement de voyages, s’émeut le trentenaire. Mais nous voulions nous en séparer pour en acheter un nouveau, de la même marque, plus petit.»
En costard-cravate, l’acheteur débarque
Un acheteur, la vingtaine, le contacte, que nous appellerons ici Kevin. «Il me dit qu’il est assureur, qu’il a trois employés et, qu’à côté, il achète des automobiles pour les revendre à des clients fortunés», confie-t-il ce jeudi matin au téléphone. Rendez-vous est pris quelques jours plus tard après négociation d’un prix: 48’500 francs.
A Aigle, Kevin débarque «en costard-cravate dans une BMW à 200’000 francs». «A ce moment-là, je n’ai aucune raison de douter de son honnêteté, d’autant plus que j’avais pris son permis de conduire en photo, regrette Pierre Burger. Il me dit qu’il doit aller dans un garage Land Rover pour un contrôle et qu’il ira présenter le véhicule à ses clients dans la foulée. Je lui laisse les clefs. Il repart dans sa BM en laissant le Land Rover sur place. J’ai peut-être été un peu naïf.» Les deux hommes doivent se rencontrer à nouveau le soir même. Spoiler alert: ils ne se reverront jamais.
«On m’a obligé à vous voler»
Au téléphone, Kevin repousse plusieurs fois, prétexte diverses excuses. Pierre Burger ne tique pas. Jusqu’au vendredi 29 octobre. Vers 20h, son portable sonne. Un message de Kevin, écrit dans un français approximatif et sans ponctuation ni majuscules.
Dans le même registre
Morceaux choisis: «je suis désolé de vous annoncer sa mais je ne serai pas présent je n’ai pas réussi à récolter l’argent et la voiture a été vendu»; «demain matin j ai rendez vous avec la justice pour faire le point je vais me dénoncer»; «on m’a obligé à faire tout sa j ai revendu le véhicule à des gens qui le savent même pas»; «je vais faire au plus vite pour vous rembourser j’ai fais des mauvais choix dans ma vie des gens m’on détruit ma vie» (sic).
Objectif retrouver la voiture disparue
Kevin soutient encore qu’il s’est «fait arnaquer», qu’il «est endetté jusqu’au cou» et que «tout était prévu» pour qu’il paraisse crédible. Il invite Pierre Burger à porter plainte. Ce dernier se rend presque aussitôt dans les locaux de la police vaudoise à la Blécherette et s’exécute. Dans le procès-verbal que Blick a pu consulter, Kevin est identifié comme prévenu.
Mais l’histoire n’est pas terminée. Pierre Burger veut retrouver son fidèle compagnon à moteur. «J’ai enquêté pendant trois jours, j’ai fait jouer mes contacts, j’ai même appelé les douanes italienne et albanaise.» Résultat, il met la main sur sa voiture trois jours plus tard. Chez un concessionnaire à Collombey-Muraz, dans le Chablais valaisan, non loin d’Aigle. Victoire! «J’ai notamment pu reconnaître le coin camping que nous avions aménagé à l’arrière.»
Ni une, ni deux, il jette un coup de fil à la police de Monthey. Un sabot est apposé. Deuxième victoire? Non. «Quelques jours plus tard, des amis ont remarqué que le sabot avait été enlevé. On a aussi informé mon avocate — j’ai enclenché ma protection juridique — que ma voiture ne m’appartient plus puisqu’elle a été achetée de bonne foi. L’arnaqueur s’est présenté avec une carte grise à son nom! Je n’aurais jamais dû le laisser partir avec le permis de circulation original.»
Tirer le frein à main
Désespoir. «Je n’ai aucune chance de la récupérer. J’attends des nouvelles de mon assurance quant à la possibilité de revoir mon argent. Je suis ouvrier, je travaille en équipe, parfois de nuit, je bosse dur pour m’offrir des petits plaisirs. 50’000 francs, c’est presque mon salaire annuel. Il ne me reste que les yeux pour pleurer, au moins ça.»
S’il témoigne aujourd’hui, c’est pour tirer le frein à main. «En Suisse, on est naïf. Tout le monde vend sa voiture sur internet. Ça pourrait arriver à n’importe qui. Et, si ça se trouve, il n’en est pas à son coup d’essai. Peut-être qu’il agit avec un groupe de personnes.»
Kevin s’est-il rendu à la justice? A-t-il été entendu? A-t-il des antécédents? A-t-il agi seul? Que risque-t-il? Pierre Burger a-t-il encore une chance de retrouver le volant de son 4x4 adoré? Jeudi en fin de matinée, ni la police ni le Ministère public n’avaient répondu à notre liste de question. La suite au prochain épisode.