Viola Amherd veut protéger la Suisse d’une possible pluie de missiles hostiles. Logique. La guerre en Ukraine démontre, s’il en était besoin, combien le danger vient du ciel et combien une guerre moderne de haute intensité ne peut pas être gagnée sans le contrôler.
La décision de la cheffe du département de la défense de formaliser, le 7 juillet, la future association de la Confédération au projet «Skyshield» mené par 17 pays européens membres de l’Otan, peut donc paraître pragmatique. À l’image du choix des F35 Américains pour équiper l’armée de l’air helvétique, le raisonnement est implacable: même neutre, la Suisse a besoin de la meilleure protection disponible sur le marché. Or l’Alliance Atlantique, dont la Confédération est un «partenaire pour la paix», est en mesure de la fournir…
31 pays-membres à Vilnius
Ce pragmatisme ne doit toutefois pas faire oublier une réalité que le sommet des 31 pays membres de l’OTAN à Vilnius, en Lituanie, va cette semaine, se charger d’illustrer. Fondée en 1949 pour défendre le monde occidental post-seconde guerre mondiale face à la menace de l’Union Soviétique, l’Alliance atlantique n’est pas seulement la plus puissante coalition militaire mondiale sur le papier. Elle l’est aussi, de plus en plus, en termes de commandes militaires, d’opérations conjointes, de répartition des responsabilités pour défendre le continent européen.
En clair: se rapprocher d’une Alliance comme l’Otan implique obligatoirement des conséquences. Croire qu’il s’agit d’un parapluie que l’on peut ouvrir à sa guise est une erreur. Il suffit, à Vilnius comme dans de nombreux pays membres, de voir maintenant flotter le drapeau de l’OTAN à côté des drapeaux nationaux ou du drapeau étoilé de l’Union européenne, pour comprendre qu’il ne s’agit pas, pour ces États, d’un «self-service» stratégique ou d’une coalition «à la carte».
La question de la réexportation des matériels de guerre
Viola Amherd et tous ceux qui, au Département fédéral de la Défense, se félicitent du rapprochement en cours avec l’OTAN (et au-delà, évidemment, avec les États-Unis) doivent donc cesser d’expliquer que cela n’aura pas de conséquences. Il est évident, par exemple, que l’industrie de l’armement helvétique subira de plein fouet l’impact d’un arrêt des commandes des alliés si la Suisse ne fait pas preuve de flexibilité sur les futures réexportations de matériel de guerre.
Il est tout aussi clair que la commande helvétique de F35, coté calendrier et partage des tâches industrielles, va devoir s’accommoder de la nouvelle donne engendrée par la guerre en Ukraine, au fur et à mesure des contrats engrangés par Lockheed Martin, le constructeur des appareils. Ces contraintes ont un mot: une dépendance accrue envers une alliance peut être incontournable et indispensable, mais aussi pieds et poings liés à l’agenda de son puissant patron américain.
Une Suisse de plus en plus «otanisée» ?
Les débats sur la neutralité et sur le futur de l’armée suisse peuvent se poursuivre dans l’enceinte du parlement, voire lors d’une prochaine campagne de votation, si l’initiative lançée par l’UDC aboutit. Ils sont bienvenus pour adapter le pays à notre époque. Mais ils ne doivent pas occulter les faits: une Suisse de plus en plus «otanisée» sera, en réalité, de moins en moins neutre et contrainte de faire ce qu’elle reproche à l’Union européenne: des concessions en matière de souveraineté.