«Regarder la réalité en face»
Pour «Le Monde», la neutralité suisse est finie

Le moment est choisi. En pleine conférence sur la sécurité de Munich, le quotidien français «Le Monde» s'en prend dans un éditorial à la neutralité Suisse. Présent dans la métropole bavaroise, Ignazio Cassis a, pour sa part, continué d'expliquer la position de Berne.
Publié: 18.02.2023 à 22:55 heures
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Dernière mise à jour: 21.02.2023 à 17:57 heures
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Dans son éditorial du samedi 18 février, le très respecté quotidien français est formel: «La Suisse ne peut plus se retrancher derrière sa neutralité»
Photo: Richard Werly
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Richard WerlyJournaliste Blick

Nous l’avions écrit dans Blick et nous avions bien raison. La neutralité de la Suisse s’est retrouvée assiégée lors de la Conférence annuelle sur la sécurité de Munich, à laquelle participaient les Conseillers fédéraux Ignazio Cassis et Viola Amherd. La preuve? L’éditorial accusateur publié samedi 18 février, alors que ce grand rendez-vous militaire et diplomatique européen battait son plein, par le très influent quotidien français «Le Monde».

Les mots crépitent comme des salves

Pour celui-ci, «la position de Berne, qui refuse d’autoriser d’autres pays européens à livrer à l’Ukraine du matériel et des munitions fabriqués en Suisse, n’est plus tenable». Les mots crépitent comme des salves. Difficile, dans ce contexte, de faire entendre le message que le chef du Département fédéral des Affaires étrangères nous a répété sur place: «J’ai eu des contacts ici qui démontrent que l’on comprend la neutralité suisse. Mais je dois à chaque fois rappeler à mes interlocuteurs la situation dans laquelle nous sommes. La question des munitions est en ce moment même débattue jour et nuit au Parlement suisse. Dans ces conditions, le Conseil fédéral n’a pas d’espace de manœuvre. C’est au parlement que cela se joue.»


L’attaque du «Monde» n’est pas surprenante. À Munich, les discrètes explications d’Ignazio Cassis – qui n’a pas été convié par les organisateurs à s’exprimer dans l’une des grandes séances plénières – semblent être tombées dans l’oreille d'un sourd. «La guerre russe en Ukraine a ébranlé les fondations de nombreux pays européens en matière de politique étrangère, écrit «Le Monde». La Suisse ne pouvait pas échapper à cette pression, même si ses traditions historiques et sa position géographique lui ont permis un temps de l’espérer».

Retrouvez Richard Werly sur TV5 Monde depuis Munich

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La Suisse neutre peut-elle être médiatrice? Faiseuse de paix? Non, répond le journal français. «Au bout d’un an d’un conflit qui déstabilise profondément le continent, le moment est venu pour la Confédération de regarder la réalité en face». Le raisonnement helvétique est pilonné: «Cette réalité, celle d’une guerre de haute intensité livrée en Europe par une puissance nucléaire membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, en violation de toutes les règles du droit international, concerne directement la Suisse, malgré son statut de neutralité, dans le domaine de la livraison d’armes». Une confirmation du fait que les Européens ne comprennent pas la neutralité suisse comme l'a reconnu, à Munich, Viola Amherd dans «Le Temps».

L’approche suisse est expliquée

Bien sûr, le quotidien français détaille les fondements de l’approche helvétique: «Berne fait signer aux acheteurs, dans les contrats d’exportation, une déclaration de non-réexportation. Car, en vertu de sa neutralité, consacrée par la convention de La Haye de 1907, la Suisse ne livre pas d’armes à un pays en guerre, ni directement ni indirectement par des pays tiers».

Retrouvez Ignazio Cassis sur la SRF à Munich

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Les faits sont donc connus. Les limites imposées au gouvernement suisse sont admises. Mais l’ultime comparaison fait mal: «Cette position n’est plus tenable, poursuit «Le Monde». Comme l’Allemagne l’a fait il y a un an, la Suisse doit opérer son «Zeitenwende», le tournant historique imposé par la guerre et ses conséquences sur la sécurité en Europe. Déjà isolée par l’abandon unilatéral par Berne des négociations avec la Commission européenne en mai 2021 visant à refonder les relations avec l’UE, la Confédération helvétique ne peut rester à l’écart de l’unité qui s’est formée autour de l’Ukraine. Chercher à retarder l’inéluctable basculement, sous prétexte qu’il nuirait à son rôle de médiateur, est une manière de procrastiner.»

L'éditorial conclut: «Un sentiment d’urgence s’empare de l’Europe en raison des difficultés des forces ukrainiennes. Temporiser, comme avec les sanctions contre la Russie, au nom desquelles 7,5 milliards de francs suisses d’avoirs russes ont été bloqués par Berne, alors que l’association des banquiers suisses évalue à 200 milliards les actifs russes en Suisse, n’est plus possible. Il faut maintenant trancher». Un avertissement?

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