Olga Baranova, directrice de la campagne en faveur du mariage pour tous, se réjouit des résultats du scrutin. Elle interprète ce 64% de oui des Suisses comme un signal fort envoyé à la communauté homosexuelle: les couples de même sexe sont égaux aux hétérosexuels, leur amour a autant de valeur et ils sont d'aussi bons parents.
Pas de la «Symbolpolitik»
Le débat ces derniers mois s'est focalisé sur la distinction entre le mariage pour tous et la PMA. «Mais on ne peut pas séparer ces deux choses, pour la directrice de campagne. Le mariage pour tous n'est pas de la 'Symbolpolitik', vous donnez des droits égaux à des personnes de même sexe. A partir de ce moment-là, vous ne pouvez pas saucissonner leurs droits.»
«On est contents d'aboutir enfin», a réagi Olivier Bolomey, coordinateur du réseau vert'libéral «Queer pvl» à Keystone-ATS. Car la Suisse doit le mariage pour tous à ce parti et à sa conseillère nationale Kathrin Bertschy, qui avait déposé une initiative parlementaire allant dans ce sens en 2013. Pour Olivier Bolomey, un des prochains sujets qui viendra sur la table est un congé parental ouvert à toutes les formes de familles. Il a cité ensuite l'interdiction des thérapies de conversion, dont différents parlements ont été saisis. Et enfin la situation des transgenres.
L'étape suivante, pour l'organisation suisse des lesbiennes, sera la protection complète des enfants des familles arc-en-ciel: les enfants des couples de femmes conçus grâce à la procréation médicalement assistée à l'étranger, ou en ayant recours à un don de sperme privé, devraient bénéficier des mêmes droits que les enfants des couples hétérosexuels.
«Jour noir» pour le bien-être des enfants
Aujourd'hui est un «jour noir» pour le bien-être des enfants, a déclaré pour sa part la conseillère nationale Monika Rüegger (UDC/OW) du comité contre le mariage pour tous. Les enfants n'auraient plus le droit de grandir avec leur père et leur mère. Les partisans ont habilement lié la question «incontestée» du «mariage pour tous» au don de sperme, a déclaré Monika Rüegger à Keystone-ATS. Mais ce vote ne concernait pas l'amour et les sentiments, mais l'intérêt supérieur de l'enfant.
Le comité du non n'a pas réussi à mettre en évidence cette «fausse image». La décision était fondée sur la vision purement égoïste d'adultes selon laquelle il existe un droit fondamental à avoir des enfants. Le bien-être des enfants n'a pas été pris en compte dans l'équation. C'est pourquoi ils sont les perdants du vote.
Du côté de l'UDC, le conseiller national Jean-Luc Addor (UDC/VS) craint qu'il n'y ait désormais plus de limites. «Quelle sera la prochaine étape? La gestation pour autrui?», a-t-il demandé. Pour le parti égangélique suisse (PEV), on a ouvert la boîte de Pandore, a déclaré François Bachmann, vice-président romand à Keystone-ATS. Le parti attend désormais que le Parlement pose des limites «claires» dans la loi sur la procréation médicalement assistée et la filiation.
La société a changé
Chez les libéraux-radicaux, la conseillère nationale Isabelle Moret (VD) estime que «ce fort soutien de la population est une belle victoire de l'égalité: l'Etat n'a pas à se mêler de la vie privée des gens et les laisser libres de leur choix.» Du côté du Centre, ce résultat net montre que l'égalité pour tous a dépassé le débat sur la PMA, finalement disproportionné, a dit la conseillère nationale Marie-France Roth-Pasquier. La Fribourgeoise constate une évolution des mentalités, y compris dans son parti, qui avait lancé une initiative sur l'imposition des époux contenant une définition de cette institution comme l'union durable d'un homme et d'une femme. Le texte a entre-temps été retiré.
Au parti socialiste, le conseiller aux Etats, Carlo Sommaruga (GE), considère que «cette magnifique victoire montre que la société suisse est bien plus ouverte que le Parlement. Le travail parlementaire, difficile et long, a rencontré beaucoup de résistance.
«C'est un monument qu'on a atteint, a réagi à la RTS la conseillère aux Etats Lisa Mazzone (Verts/GE). Le signal est d'autant plus fort que des régions par le passé réfractaires au partenariat enregistré tendent aujourd'hui vers le oui au mariage pour tous. On a pris la température de la société et elle a fondamentalement changé.
Pasteurs pas forcés
Les églises réformées, favorables au mariage pour tous, doivent désormais jouer leur rôle en rendant concrètement possible les mariages entre couples homosexuels en leur sein, a déclaré Dominic Wägli de l'Eglise évangélique réformée suisse (EERS). Si le mariage entre couples de même sexe doit être garanti dans les églises, aucun pasteur ne doit cependant être forcé à le célébrer, a-t-il précisé.
Amnesty International salue le vote des Suisses en faveur du mariage pour tous. «Ce vote signifie que le mariage et les droits qui l'accompagnent, notamment celui d'adopter des enfants et d'accéder à la médecine reproductive, seront enfin ouverts à tous les couples en Suisse. C'est une étape importante vers l'égalité qui était attendue depuis longtemps», a déclaré Alexandra Karle, directrice d'Amnesty Suisse dans un communiqué.