Difficile de trouver un système politique qui avance plus lentement que celui de la Suisse. Mais il existe des exceptions, surtout lorsque les Confédérés craignent une panne d’électricité. Dans ce cas, la Berne fédérale s'active sans attendre. Appels aux économies, appels d’offres pour les réserves de force hydraulique, centrale d’urgence en Argovie, installations solaires alpines en Valais, rehaussement du barrage du Grimsel... Du jour au lendemain, le Conseil fédéral et le Parlement ont sorti le grand jeu pour sauver l’approvisionnement énergétique du pays.
Et ce ne sont là que les mesures immédiates pour les trois années à venir. Lors de la session d’automne, le Parlement a également revu à la hausse les objectifs de développement à long terme des énergies renouvelables dans l’acte législatif sur la sécurité de l’approvisionnement en électricité.
En 2035, l’énergie solaire devra produire 35 térawattheures d’électricité. En 2050, 45 térawattheures. Aujourd’hui, ce chiffre est de deux térawattheures.
Stop aux gaz à effet de serre d'ici 2050
Parallèlement, le Parlement veut réduire de moitié la consommation d’énergie par habitant d’ici 2050. Cela servirait également le climat – dont les députés se sont en outre préoccupés dans le contre-projet indirect à l’initiative sur les glaciers. Il y est dit ceci: d’ici 2050, la Suisse ne doit plus émettre de gaz à effet de serre. Pour les entreprises, des plans zéro émission nets sont prévus.
A cela s’ajoute le projet d’accélération pour les énergies renouvelables, sur lequel travaille actuellement la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga. Elle présentera une nouvelle tentative de révision de la loi sur le CO2. Le projet sera soumis demain au Parlement. C’est la commission de l’énergie du Conseil des Etats qui ouvre le bal.
Un projet de loi CO2 moins ambitieux
Le nouveau projet de loi sur le CO2 est moins ambitieux que le précédent, qui avait été balayé par le peuple en 2021. La taxe sur le chauffage fossile reste fixée à 120 francs par tonne de CO2. En revanche, la majoration pour l’essence et le diesel n’est plus de douze centimes maximum par litre, mais de cinq. Et la taxe sur les billets d’avion n’est plus d’actualité, du moins pour le moment. Il est en effet fort possible que le Parlement formule le projet de manière plus agressive si le peuple accepte l'été prochain le contre-projet à l’initiative sur les glaciers. La votation aura lieu parce que l’UDC a lancé un référendum.
Développer, économiser, réduire, orienter, promouvoir... Divers projets ayant chacun leurs propres priorités et horizons temporels contiennent ces solutions, tantôt sous forme d’objectifs, tantôt sous forme de mesures, financés par des sources aussi diverses que le supplément réseau, la taxe sur le CO2 et les impôts. Les milliards de subventions vont aux installations solaires, aux projets de barrages, aux programmes de construction, aux stations de recharge pour voitures électriques et aux innovations technologiques.
Rebond après des années d'inaction
Pendant des années, la politique énergétique et climatique suisse n’a pas décollé. Aujourd’hui, le Conseil fédéral et le Parlement proposent en très peu de temps un pot-pourri de mesures énergétiques qui regorge d’ingrédients. Mais ces mesures seront-elles efficaces?
«Ce sont des chantiers sans coordination mutuelle», estime le conseiller national valaisan UDC Michael Graber, président du comité référendaire contre le contre-projet indirect à l’initiative sur les glaciers. «La stratégie énergétique a échoué. On veut maintenant actionner frénétiquement de nombreux leviers dans l’espoir de pouvoir encore atteindre les objectifs d’une manière ou d’une autre. Quoi qu’il en coûte.»
On le voit déjà aux termes empreints d'inquiétude utilisés comme «parachute de secours» ou «loi fédérale urgente», pointe encore le conservateur. «C’est ainsi que le contre-projet à l’initiative sur les glaciers a fixé des objectifs démesurés avant même que l’acte modificateur ne soit validé. Pourtant, seul ce dernier répond à la question de savoir comment l’énergie doit être produite pour atteindre les objectifs.»
L’avis d'un professeur de politique climatique
Anthony Patt est professeur de politique climatique à l’EPFZ. Il a conseillé la ministre de l’énergie Sommaruga lors de l’élaboration du projet de loi sur le CO2. «A première vue, c’est effectivement un fouillis. Mais les différents projets de loi se complètent bien», assure l'universitaire.
Ainsi, la loi sur le CO2 réglemente l’utilisation de l’énergie jusqu’en 2030, et le contre-projet à l’initiative sur les glaciers fait de même pour les années 2030 à 2050. «De leur côté, l’offensive solaire et le projet d’accélération s’occupent de l’approvisionnement énergétique à court terme, tandis que l'acte modificateur s’occupe du long terme.» Cela va même plus loin, dit Anthony Patt: «Ce qui dépasse tous les projets, ce sont les objectifs identiques. Il s’agit toujours de développer les capacités, de gaspiller moins d’énergie et d’éliminer la dépendance aux énergies fossiles.»
Le plan semble bien élaboré. Mais qui est commandes? «Le Parlement, répond Stefan Batzli, directeur de l’association économique AEE Suisse. Mais la conseillère fédérale Sommaruga est très présente, notamment dans les débats des conseils. Elle anime la discussion, la mène avec compétence et de manière ciblée.»
«Il faut des interdictions pour sortir des carburants et des chauffages fossiles»
La conseillère aux Etats des Verts Lisa Mazzone n’est que partiellement d’accord: «Lest efforts de la part du Parlement sont devenus nécessaires parce que le Conseil fédéral n’a pas fait preuve de suffisamment d’initiative. Seule la pression exercée par l’initiative sur les glaciers et la réaction du Parlement ont permis de donner le rythme nécessaire.»
Il faut également s’attendre à une pression du Parlement sur la loi sur le CO2. «Il faut des calendriers clairs ainsi que des interdictions pour sortir des carburants et des chauffages fossiles, appelle Lisa Mazzone. Nous devons également rediscuter de la taxe sur les billets d’avion.» La controverse porte aussi sur le fait de savoir si la taxe pour le chauffage, de 120 francs par tonne de CO2, sera suffisamment élevée.
Enfin, tout le monde est loin d’être d’accord avec la nouvelle règle selon laquelle seule la moitié des recettes doit être redistribuée à la population et à l’économie.