«On joue très, très gros […]. Nos adversaires veulent nous voler nos sièges […]!» Chemise blanche tendue, doigt accusateur en l’air, casquette «PLR 2023» vissée sur la tête… Philippe Nantermod, vice-président du Parti libéral-radical, achève sur un ton martial la journée de sa famille politique, ce samedi à Berthoud, dans le canton de Berne (dès 2:25:55 en cliquant ici).
La mise en scène étonne. Après ce meeting, la stratégie de la formation bourgeoise — qui veut devenir le deuxième parti de Suisse lors des élections fédérales de 2023, au nez et à la barbe du Parti socialiste — interpelle plusieurs observateurs, de droite comme de gauche.
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Les propos «guerriers» du conseiller national valaisan et chef de la campagne électorale qui s’annonce, tout comme son accoutrement et son attitude, «tranchent radicalement et négativement avec ce qu’on voit habituellement sur la scène politique suisse».
Pour analyser fond et forme, Blick a sollicité deux experts. Le réputé conseiller en communication lausannois Jean-Henri Francfort et le coprésident de la Société romande de relations publiques, Romain Pittet, ne sont pas avares en punchlines.
Nantermod et sa casquette façon Trump
Ce qui saute immédiatement aux yeux des deux hommes, c’est le couvre-chef de Philippe Nantermod. «J’y vois une référence évidente à Donald Trump et à sa célèbre casquette, balance Romain Pittet. À ce niveau de politique, je ne pense pas qu’on puisse parler de hasard.»
Jean-Henri Francfort, lui, pense d’abord à un autre Donald, créé pour les studios Disney. «Ne ressemblent-ils pas aux neveux du canard de fiction? Les casquettes portées par les cadres du parti (ndlr: la conseillère fédérale Karin Keller-Sutter et d'autres en portent aussi) frisent le ridicule, il ne manquerait plus qu’ils la mettent à l’envers», ironise-t-il.
Après le séisme Donald Trump, mettre une casquette en politique, est-ce un geste anodin? Le spécialiste lausannois enchaîne les uppercuts: «Je ne sais pas si c’est anodin mais c’est en tout cas grave! Je suis d’autant plus sidéré que le PLR semble charger ce morceau d’habillement d’une fonction qu’il n’aura jamais: une casquette, c’est bien pour vendre de l’essence ou des hamburgers. Mais pas pour mener la campagne d’un parti que j’imaginais plus sérieux et posé.»
Des adversaires ou des ennemis?
Assez passé de temps sur l’accoutrement de Philippe Nantermod, plongeons dans son discours. Romain Pittet et Jean-Henri Francfort critiquent, tous deux, le ton belliqueux employé par le parlementaire, qu’ils estiment préoccupant.
Pour illustrer son propos, le coprésident de la Société romande de relations publiques prend pour exemple Roger Federer et Rafael Nadal. «Ils étaient adversaires sur le court mais pouvaient se parler en dehors et même s’apprécier. Philippe Nantermod paraît, lui, considérer ses adversaires comme des ennemis. La nuance est importante: je ne vois pas comment on peut entretenir un dialogue dans ces conditions. C’est un glissement, très éloigné de la culture suisse du consensus, qui m’interpelle à la fois en tant que communicant et citoyen.»
Pour Jean-Henri Francfort, le ton de «bateleur» du Valaisan est bien plus qu’une mauvaise surprise. «Il y a une forme de dramatisation dans ses propos qui m’a choqué, souffle-t-il. On la remarque à la manière dont il parle de ses 'adversaires': il en parle comme s’il agissait de personnes qui ne voyaient pas le danger arriver. C’est une forme de populisme qui, si elle est volontaire, est pour le coup réussie.»
Un «jeu dangereux»
Alors, stratégie politique ou vice-président en roue libre? Romain Pittet s’avance: le PLR, en tenant ce discours, tente probablement de se rapprocher de l’UDC pour récupérer une partie de son électorat. «En affirmant un message beaucoup plus clair et beaucoup plus franc, on se détache d’une espèce de 'mollesse' qui ne fâche vraiment personne, mais qui n’enthousiasme pas grand monde non plus. C’est une façon d’avoir des soutiens plus forts. Cela crée cependant aussi des détracteurs bien plus marqués. Cela a marché pour l’UDC, mais y a-t-il la place pour deux partis du genre en Suisse?»
Le communicant donne rendez-vous l’année prochaine pour faire le bilan électoral de ce positionnement. Son homologue Jean-Henri Francfort, lui, avertit: souffler de la sorte sur les braises pour polariser est un jeu dangereux. «Peut-être que le PLR gagnera un peu dans les rangs populistes, mais le parti risque surtout de perdre des voix au sein de l’électorat plus sérieux que sont les bons vieux libéraux-radicaux.» Le Lausannois remet une compresse: «Moi, en tout cas, si j’étais membre, je commencerais par refuser de porter le couvre-chef ridicule et infantilisant qui est proposé aux militants. Cela serait déjà un bon début.»