«Nouvelle profanation»
Un concert parlant d'éjaculation dans la cathédrale de Lausanne scandalise

Un concert «évoquant des pratiques sexuelles intimes» s'est déroulé à la cathédrale de Lausanne, dénonce «Le Peuple». Le petit média engagé et conservateur a lancé une pétition ce lundi. Les paroles n'avaient «rien de blasphématoire», se défend le Festival de la Cité.
Publié: 11.07.2023 à 11:35 heures
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Dernière mise à jour: 11.07.2023 à 14:15 heures
Selon «Le Peuple», l’Union démocratique du centre (UDC) pourrait porter l’affaire devant le Grand Conseil.
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Amit JuillardJournaliste Blick

Les «wokes» — comprenez par là les militantes et militants défendant les minorités — sont régulièrement accusés de hurler pour un oui ou pour un non et d’être des apôtres de la censure par le camp conservateur. Seulement voilà, aujourd’hui, à Lausanne, c’est bien ce bord politique qui se scandalise.

En cause: le spectacle de la chorale Hot Bodies dans la cathédrale durant le Festival de la Cité, ce samedi. Sur YouTube, le journaliste Raphaël Pomey dénonce des paroles «évoquant des pratiques sexuelles intimes» chantées dans un lieu de culte.

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Ce lundi matin, le rédacteur en chef du «Peuple», mensuel romand de droite et engagé, a même lancé une pétition en ligne, qui comptait déjà plus de 1000 signatures le lendemain à 10h40. «Que ces gens souhaitent évoquer 'la gelée royale' à déposer 'entre les lèvres' […], grand bien leur fasse, mais pas dans nos lieux de mémoire», écrit l’ancien rédacteur en chef de La Télé, la TV régional valdo-fribourgeoise.

«Insulte à peine voilée»

À ses yeux, le fait que «cette insulte à peine voilée ait lieu dans le cadre d’un événement subventionné pose plusieurs questions». Dont: «Pourquoi ce besoin d’aller sans cesse salir les lieux de culte chrétiens avec des spectacles sur l’intimité? Comment une autorité politique ou ecclésiale a-t-elle pu accepter qu’il soit question d’éjaculation (buccale) dans un événement ouvert aux enfants, dans une cathédrale, à 19h un samedi?» Il demande ainsi des explications «aux personnes chargées de faire respecter les lieux» et «des excuses publiques pour les chrétiens blessés […]».

Dans le texte de sa pétition, Raphaël Pomey s'interroge: «Comment une autorité politique ou ecclésiale a-t-elle pu accepter qu'il soit question d'éjaculation (buccale) dans un événement ouvert aux enfants, dans une cathédrale, à 19h un samedi?»
Photo: DR

Joint par téléphone ce lundi, Raphaël Pomey, défenseur d’un «héritage judéo-chrétien», insiste sur l’inadéquation entre ce show et la scène choisie. «Le même spectacle aurait eu lieu dans un endroit alternatif, je n’aurais pas fait de vidéo, assure cet ancien porte-parole de la police lausannoise. Le règlement de la cathédrale précise que la nature d’une manifestation qui s’y tient doit être en harmonie avec l’esprit du lieu. On n’y est pas.»

Deuxième polémique après celle de 2022

En passant, ce fervent fossoyeur des lectures de drag-queens destinées aux bambins dans les bibliothèques de Suisse romande, se moque volontiers du pronom «iel». Pronom utilisé sur la page du festival pour présenter Gérald Kurdian, personne non-binaire — qui ne s’identifie ni comme homme ni comme femme — à la tête du chœur Hot Bodies. «La satire fait partie de l’art journalistique, rétorque-t-il. Je déteste la déstructuration de la langue. Par ailleurs, ici, on a affaire à un monsieur qui met du rouge à lèvres et qui dirige une chorale féministe. Je m’interroge sur l’invisibilisation des femmes dans ce contexte.»

Le Festival de la Cité, réputé très à gauche, a désormais droit à une polémique chaque année. En 2022, c’était un «refrain anti-flics» du groupe fribourgeois Crème Solaire qui choquait la droite conservatrice, voire «réac», comme le rapportait déjà «Le Peuple», soulignant que l’événement est subventionné.

Pourquoi avoir programmé la chorale Hot Bodies et ses textes suggestifs à la cathédrale et pas ailleurs? «Il s’agit d’une chorale et, au niveau acoustique, c’est la scène qui clairement s’y prêtait le mieux, répond Martine Chalverat, directrice du festival, contactée lundi par e-mail. Les paroles des chants sont le fruit d’un workshop organisé entre la FDS (ndlr: ex-Fête du Slip, festival abordant les sexualités) et le Festival de la Cité. Le concert est l’aboutissement de ce projet.» Pas de volonté de provoquer, donc? «En aucun cas.»

«Rien de blasphématoire»

Cette ancienne du Cully Jazz et de Vevey Images précise que «la liste des projets artistiques programmés à la cathédrale a été envoyée à la direction cantonale des affaires religieuses, selon le protocole habituel». S’excusera-t-elle? «Nous sommes navrés si nous avons heurté la sensibilité de certaines personnes. Les paroles véhiculent un message de tolérance et d’inclusivité, soit des valeurs portées par le festival, et elles n’ont d’ailleurs rien de blasphématoire.»

«Nous sommes navrées si nous avons heurté la sensibilité de certaines personnes, lance Martine Chalverat. Les paroles véhiculent un message de tolérance et d’inclusivité, soit des valeurs portées par le Festival et elles n’ont d’ailleurs rien blasphématoire.»
Photo: KEYSTONE/JEAN-CHRISTOPHE BOTT

Martine Chalverat — qui assume une ligne engagée et politisée — remercie «la direction des affaires religieuses d’avoir permis ce moment de partage et d’émotions dans une cathédrale comble». «Ce projet a réuni des publics divers, de tout bord et de toutes les générations, qui ont repris en chœur un message d’ouverture et de tolérance face aux minorités.» La 51e édition du Festival de la Cité a attiré plus de 100’000 spectatrices et spectateurs entre le 4 et le 9 juillet.

Le Canton «regrette»

Interviewé par «Le Peuple» Jean-Luc Schwaar n’adopte pas le même ton. Le directeur général du Département des institutions, du territoire et du sport (DITS) du Canton de Vaud regrette «que certains termes utilisés dans les chansons interprétées lors de ce spectacle manquent de nuance et sont mal adaptés au lieu».

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Pourquoi dès lors avoir donné son aval à cette représentation? «L’autorisation a été délivrée sur la base de renseignements fournis par la direction du festival et du visionnage des vidéos présentant la chorale en question, étaie Jean-Luc Schwaar, toujours sur le même site internet. Les textes des chansons interprétées ne nous ont pas été fournis, puisqu’ils ont, selon nos informations, été écrits après la programmation.»

Nul doute que cette polémique n’est pas terminée. Selon «Le Peuple», l’Union démocratique du centre (UDC) pourrait porter l’affaire devant le Conseil communal.

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