Au vu de la situation au Liban, Rayan Meldan a de quoi être inquiet, il le partage sur les réseaux sociaux. Et en ce vendredi 27 septembre, tous les grands-parents de ce Vaudois de 18 ans sont en ce moment-même dans son pays d’origine. Les maisons familiales se trouvent dans des villages bombardés par Israël, sur la Plaine de la Bekaa à l’est du pays.
Sa grand-mère maternelle a le passeport suisse. La famille de Rayan voudrait la rapatrier avec son grand-père, en assurant un trajet sécurisé jusqu’à l’aéroport de Beyrouth. Pour cela, elle fait des appels du pied répétés au Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) depuis quelques jours. L’administration ne voudrait rien savoir et engage leur responsabilité individuelle.
C’est sur Instagram que le jeune rédacteur en chef de Caféine Média – malicieux compte d’information à destination des Romands de 15 à 25 ans – s’émeut de cette situation. Jeudi dans sa dernière publication, le journaliste en herbe met en cause le DFAE: «Aucune humanité, aucune compassion. Et on laisse nos ressortissants mourir à l’autre bout de la terre. Franchement bravo.»
Les fantômes du passé
Jusque-là, Rayan n’avait été confronté qu’aux histoires de ses parents et grands-parents sur les conséquences des tensions au Proche-Orient sur la population libanaise. Le jeune homme témoigne pour Blick: «Je n’ai jamais vu mes parents dans cet état-là. Cela réveille chez eux de mauvais souvenirs. On surveille toutes les informations, je me suis abonné à pleins de groupe sur WhatsApp et Telegram.»
Du côté maternel, sa grand-mère est nationalisée suisse. Pas son grand-père. «Ils vivent la moitié de l’année au Liban et la moitié ici en Suisse», explique Rayan. Les deux retraités sont arrivés en mai et leur vol de départ est agendé à novembre.
Problème: la situation au Liban s’est détériorée à vitesse grand V ces dernières semaines, depuis qu’Israël a fait exploser des milliers de bipeurs et de talkies-walkies du Hezbollah. Après la frontière au sud, les explosions ont peu à peu touché des zones plus loin dans les terres. Leur village se trouve dans la région de la ville de Baalbek, bastion du Hezbollah dans la région.
«Le DFAE ne sert à rien!»
«Personne ne pouvait envisager une telle escalade, se remémore Rayan. À leur départ au printemps, le DFAE déconseillait de se rendre dans certaines zones du Liban, particulièrement au sud. Mais ce n’est que depuis juillet que l’accès à tout le territoire est concerné par cette alerte.» Rayan se souvient: «Quand ils sont partis, on leur a dit de s’inscrire sur Travel Admin. C’est moi qui ai pris le téléphone de ma grand-mère et qui lui ai installé l’application.»
L’outil permet aux autorités suisses de suivre les mouvements de ses ressortissants et de les assister en cas de problème. Mais voilà, pour le jeune homme en colère, le DFAE, son application et sa helpline «ne servent à rien». Lors des appels à l’aide pour tenter d’assurer une route sûre jusqu’à l’aéroport, il affirme que la seule réponse a été «que ses grands-parents n’avaient qu’à se débrouiller» pour traverser les zones à risque qui les séparent de leur avion du retour.
Du côté paternel, son oncle a vu sa maison être «complètement dévastée» par les bombes. «La peur pour leur santé est encore plus grande, ajoute Rayan. Mon oncle et son fils ont été blessés aux jambes. Et le fils de mon cousin, de 4 ans, est très touché psychologiquement. Dès qu’il entend un bruit, il est pris de peur.» Au total, une quinzaine de membres de sa famille se sont réunis dans la même maison.
Le regard se détourne des Suisso-Libanais?
Du point de vue de Rayan, la réaction des autorités suisses fait état d’un deux poids, deux mesures. «On a l’impression que puisqu’ils sont Suisso-Libanais, la considération est bien moindre que s’ils avaient été Suisso-Ukrainiens. En ce moment, la Suisse n’a pas l’air de porter attention au Liban.»
Les sentiments du jeune homme sont multiples: «Il y a l’inquiétude. Et aussi un sentiment d’injustice. Moi, j’ai la chance d’être ici en Suisse, tranquille et en paix. Et eux, ils sont bloqués là-bas et n’ont pas la possibilité de rentrer en sécurité.»
Lorsqu’il s’est rendu au Liban ces derniers mois, Rayan avait tendance à relativiser les inquiétudes de ses proches. «Lors du conflit israélo-libanais de 2006, j’étais dans le ventre de ma mère pendant qu’elle manifestait en Suisse, narre le jeune journaliste. Aujourd’hui, je comprends mieux les réactions et les traumatismes de mes parents.»
Dégoûté d’une Suisse idéalisée
Sa vision du Liban n’est pas la seule à avoir évolué. La Suisse en prend pour son grade. «Je pense que j’ai longtemps idéalisé la Suisse et ses institutions, raconte le passionné de politique helvétique. Maintenant, je suis dégoûté de voir que parfois, tout dépend de la nationalité de la personne. Du haut de mes 18 ans, cela ne me rassure pas pour la suite.»
Ce vendredi 27 septembre dans l’après-midi, Benjamin Netanyahu vient de réaffirmer devant l’ONU sa volonté de poursuivre les opérations militaires «jusqu’à ce que tous les objectifs d’Israël soient atteints». Rayan, lui, égratigne les figures de la politique suisse et de sa tradition humanitaire: «On n’a pas vraiment entendu Ignazio Cassis et le Conseil fédéral parler de la situation actuelle. La 'Suisse du Moyen-Orient' est considérée comme le Tiers-Monde.»