Kodi, un acteur au poil menacé de mort
La vraie star de Cannes joue dans un film suisse et c'est… un chien

On parle déjà de lui comme de l’un des meilleurs acteurs du Festival de Cannes. Son rôle dans un film suisse en fait le favori pour recevoir un prix. Mais Kodi n’est pas tout à fait un comédien comme les autres. Blick l'a rencontré sur la Croisette.
Publié: 22.05.2024 à 15:36 heures
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Dernière mise à jour: 22.05.2024 à 16:41 heures
Kodi, au centre, pourrait bien être récompensé au mythique Festival de Cannes pour son jeu d'acteur dans le film suisse «Le procès du chien».
Photo: D.R.
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Margaux BaralonJournaliste Blick

Certains acteurs de cinéma, une fois rencontrés en vrai, perdent de leur superbe. On les imaginait volontiers plus grands, plus beaux ou plus sympas. D’autres, au contraire, sont dans la vie comme dans leurs films: des êtres un peu à part, moulés différemment, sur lesquels on n’a d’autre choix que de se retourner.

La star que Blick s'apprête à rencontrer en ce matin radieux sur la terrasse d’un immeuble du Festival de Cannes appartient à la seconde catégorie. Elle illumine le film «Le Procès du chien», réalisé par la franco-suisse Laetitia Dosch et présenté dans la sélection parallèle Un Certain Regard.

Lætitia Dosch et Kodi ont reçu Blick sur une terrasse, à Cannes.
Photo: Margaux Baralon

À tel point que tout le monde lui promet déjà une récompense. Et sur cette terrasse, grands yeux expressifs et fière allure, Kodi se prête volontiers au jeu des photographes. Comme n’importe quel comédien du Festival, à une petite différence prêt: Kodi a aussi le poil soyeux et… quatre pattes.

Un chien qui risque la peine capitale

Dans «Le Procès du chien», il incarne Cosmos, un griffon jugé pour avoir mordu une femme au visage et qui encourt la peine de mort. L’affaire met une petite ville helvétique en émoi et provoque de houleux débats entre défenseurs de la cause animale et partisans d’une politique canine sécuritaire.

Au milieu de cette intrigue, Avril, jeune avocate, incarnée par la réalisatrice Laetitia Dosch, tente d’éviter l’euthanasie de l’animal. Une comédie délicieuse qui pose une vraie question: la justice, et donc la société toute entière, considèrent-elles correctement les animaux?

Pour trouver Kodi, Laetitia Dosch a dû aller en France. «J’ai fait un casting un peu partout, autant des chiens que des dresseurs, parce que j’avais besoin que la façon de travailler des seconds soit en accord avec moi», nous raconte-t-elle.

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«Sur le tournage, c’est un parfait professionnel»
Laetitia Dosch, réalisatrice du film «Le Procès du chien»
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Lorsqu’elle tombe sur Kodi, c’est le coup de foudre. «J’ai même réécrit le script pour lui. Ensuite, on a beaucoup répété.» Notamment une scène d’attaque du chien en forêt, très délicate. «Sur le tournage, c’est un parfait professionnel. Tout était facile. Quand vous lui dites ‘coupez’, il s’arrête. Il connaît parfaitement sa partie.»

Pourtant, rien ne prédestinait la charmante bête au pelage feu à la comédie. Kodi a erré dans la rue pendant deux ans avant d’être récupéré par une association, puis repéré par une compagnie spécialisée dans les animaux de spectacle, DogTrainer, située dans l’Ouest de la France.

Dans «Le Procès du chien», il est impressionnant, plein de fougue dans la reconstitution de l’agression, hilarant lorsque des experts de tous poils viennent l’examiner, mais aussi très émouvant lors d’une séquence de karaoké sur une chanson de Véronique Sanson. «C’est un acteur comme les autres», résume Laetitia Dosch, qui a d’ailleurs insisté pour que le nom de Kodi figure sur l’affiche du film et soit le premier cité au générique de début.

Vingt-trois ans de Palm Dog

Le Festival de Cannes a parfaitement conscience de l'importance des animaux dans le 7e art. Depuis 2001, un jury dédié, composé de journalistes cinéma, remet une Palm dog à la meilleure performance de chien dans un film sélectionné, toutes compétitions confondues. «Le glamour canin brille aussi fort que les étoiles de Cannes», vantent les organisateurs du prix, qui ont déjà récompensé Mops, l’adorable carlin du «Marie-Antoinette» de Sofia Coppola, Uggie, le Jack Russell de «The Artist» ou encore l’ensemble des chiens (caniches, chihuahua ou pitbull), de «Dogman» en 2018 (l’histoire d’un… toiletteur pour chien).

La Palm Dog, qui se présente sous la forme d’un collier en cuir rouge, est d’autant plus prise au sérieux depuis que Quentin Tarantino lui-même est venue la récupérer en 2019 pour le compte de Brandy, le pitbull compagnon de Brad Pitt dans «Once upon a time… in Hollywood». L’an dernier, la victoire de Messi, le border collie qui joue Snoop dans «Anatomie d’une chute», a marqué une nouvelle étape: pour la première fois, un film a fait le doublé Palme d’or et Palm Dog.

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«Il a impressionné le jury lors d’une scène dramatique dans laquelle il a simulé la maladie de manière très convaincante»
Le jury de la Palm Dog sur Messi, chien star du film «Anatomie d'une chute»
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L’impitoyable jury ne laisse rien au hasard, examinant avec soin l’alchimie entre l’animal et le reste du casting, mais aussi sa performance personnelle. Ce qui avait fait la différence pour Messi? «Il a impressionné le jury lors d’une scène dramatique dans laquelle il a simulé la maladie de manière très convaincante.»

La concurrence était pourtant rude cette année-là, notamment avec la présence de la petite pitbull Suzie, star du film «Vincent doit mourir». Ses partenaires à l’écran, les comédiens français Karim Leklou et Vimala Pons, avaient mené une ardente campagne en sa faveur, affichant sa photo sur leurs vêtements.

Une star chouchoutée… et surveillée

Depuis cette victoire chèrement acquise, Messi est devenu une star, trimballée aux quatre coins du monde jusqu’à la cérémonie des Oscars. Le border collie est revenu cette année au Festival de Cannes, s’affichant fièrement sur le tapis rouge et plus nonchalamment sur la terrasse du Marriott, l’un des hôtels les plus luxueux de la ville. Le groupe audiovisuel public France Télévisions a même décidé de lui faire mener des interviews dans une petite pastille tournée «à hauteur de chien».

Mais cette hype n’est pas au goût de tout le monde. «Où sont les protecteurs des animaux?» se demandaient ainsi certains journalistes, agacés de voir le canidé partout (et mieux considéré que 90% d’entre eux par le personnel du Festival).

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«Même si c’est un pro et qu’il est habitué, je veille à ce qu’il n’y ait pas de signe de fatigue, d’agacement, à ce qu’on ne le sur-sollicite pas»
Olivier Camus, vétérinaire de Kodi
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Cette année, les propriétaires de Kodi ont retenu la leçon. Le griffon est accompagné à chaque déplacement par sa «nounou» mais surtout par son vétérinaire. «Même si c’est un pro et qu’il est donc habitué, je veille à ce qu’il n’y ait pas de signe de fatigue, d’agacement, à ce qu’on ne le sur-sollicite pas», détaille Olivier Camus. Invité à la soirée du cinéma suisse, Kodi s’est éclipsé lorsque la musique a dépassé un certain niveau de décibels.

La concurrence chinoise

Sera-t-il donc le successeur de Messi? Les pronostics vont bon train, et s’il fait figure de favori, un outsider se profile: le lévrier noir aperçu dans «Black Dog», film chinois également présenté dans la sélection Un Certain regard. Laetitia Dosch, elle, n’a pas tranché. «Le chien chinois est aussi excellent, j’aimerais une Palm Dog ex-aequo.» Pas sûr que le jury se laisse attendrir…

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Ce qui est certain, en revanche, c’est que Kodi viendra chercher le prix lui-même s’il le décroche. Ce serait alors une première, et une nouvelle preuve de l’importance de la récompense. Jusqu’ici, les canidés n’ont jamais arpenté la Croisette, obligeant donc les organisateurs du prix à trouver en catastrophe un vague sosie pour récupérer le collier rouge à leur place.

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