Les manifestants de Lausanne – 20'000 selon la police, 40'000 selon les organisatrices – ont cheminé sous un soleil de plomb, ce mercredi 14 juin, à l'occasion de la Grève féministe. Vêtues de rose ou de violet, les jeunes femmes étaient venues en nombre, joyeuses et déterminées. «Grève et mobilisation, c'est ça la solution», pouvait-on entendre. «Sous les paillettes, la rage», pouvait-on lire.
Écarts salariaux qui stagnent ou se creusent, retraite repoussée à 65 ans, attaques contre les rentes et hausse des violences contre les femmes, les personnes trans et non binaires: durant toute la journée, les slogans et les actions se sont multipliés.
À Lausanne, la grève a débuté mardi soir déjà par l'illumination en violet de la cathédrale et s'est poursuivie mercredi matin par des chants et des danses à la gare. Concerts de casseroles, ateliers de pancartes, pique-niques en musique ont rythmé la journée.
Garderies et pharmacies
Devant plusieurs garderies, des éducatrices sont allées à la rencontre des passants pour les sensibiliser aux difficultés et aux bas salaires de leur métier. «Une collègue s'est accrochée cinq bébés poupées dans le dos», explique Antonia Undurraga, pour imager le ratio en vigueur d'une éducatrice pour cinq bambins de moins de 18 mois et une pour sept trotteurs: «C'est beaucoup trop».
Des assistantes en pharmacie ont attiré l'attention sur leurs bas salaires et leurs conditions de travail inéquitables, et pour exiger une convention collective de travail. Du personnel infirmier s'est rassemblé devant le CHUV et a formé un «grévibus» qui a fait étape sur plusieurs lieux de travail avant de gagner Saint-François.
Si elle était sérieuse dans ses revendications, la journée était souvent gaie et ludique dans sa forme. Ainsi, un collectif féministe s'est symboliquement emparé d'un bastion masculin, le bateau des Pirates d'Ouchy. Après avoir entonné des chants, des Lausannoises ont hissé sur le quai le drapeau violet de la grève féministe.
Fief de la grève
Au Sentier (VD), 300 personnes, en majorité des femmes travaillant dans l'horlogerie, ont réclamé de meilleurs salaires. «L'horlogerie est la branche où il y a la plus grande inégalité salariale, soit 24,9% selon l'OFS, dont une grande partie est inexplicable. C'est pourtant une branche de luxe qui se porte très bien», observe Nicole Vassalli, du syndicat Unia.
Dans ce berceau historique de la Grève des femmes de 1991, là où l'ouvrière et syndicaliste Liliane Valceschini (1937-2019) a lancé l'idée avec Christiane Brunner, les travailleuses ont plaidé pour un meilleur accès aux responsabilités. Car il reste difficile de devenir chef d'équipe ou d'atelier, a relevé Mme Vassalli.
Ailleurs en Suisse romande, le mouvement a également été suivi. Notamment à Sion, où 5000 personnes ont défilé. La vague violette a traversé la villeselon un tracé le long duquel les rues avaient été rebaptisées, plus tôt dans la journée, avec des noms de femmes valaisannes. La foule, composée de personnes de toutes les tranches d'âge, s'était munie de nombreuses pancartes affichant des slogans comme «Et si on Valais mieux?», «On veut l'égalité, pas ton avis», «Je veux être présidente et pas princesse», «Ovaires et contre tout» ou encore «Ne me libère pas, je m'en charge».
8500 manifestantes et manifestants à Genève
Au bout du Léman, quelque 8500 personnes ont répondu à l'appel à manifester de la Grève féministe. Des femmes de toutes les générations, beaucoup de jeunes, ainsi que des hommes et des enfants ont pris part de manière festive au cortège à dominante violette dans les rues de Genève.
Les différents groupes qui avaient organisé des actions dans la journée ont convergé en fin d'après-midi vers la Plaine de Plainpalais. Les représentantes de l'enseignement, du nettoyage, du commerce de détail ou encore de l'économie domestique ont notamment pris la parole. Les quatre conseillères d'Etat genevoises nouvellement élues étaient visibles au pied de la scène.
Vers 17h30, le cortège s'est mis en mouvement au son des tambours, se dirigeant vers les rues marchandes du centre-ville. «Patriarcat, on n'en veut pas», «En avant vers la révolution féministe», «On lâche rien», «Sainte colère face à la violence», «Ras le viol», pouvait-on lire sur les pancartes, alors que plusieurs sonos diffusaient de la musique.
Forte mobilisation à Zurich
Des dizaines de milliers de manifestantes et manifestants ont réclamé à Zurich l'égalité des droits pour tous, a constaté une correspondante de Keystone-ATS. Les préoccupations concrètes des différents groupes étaient très différentes. Les «féministes radicales» ont défilé aux côtés des femmes qui ont fait de l'engagement féministe leur thème: «Girls just want to have Funds», pouvait-on lire sur une pancarte, en référence à la chanson «Girls just want to have Fun» de Cyndi Lauper.
D'autres groupes ont demandé un salaire minimum, la fin du patriarcat, le droit à l'avortement pour tous, un congé parental, l'égalité des droits pour les non-binaires et les transsexuels, la fin de la burqa pour les femmes en Afghanistan et moins de «charge mentale».
En début d'après-midi, près de 300 personnes ont bloqué le trafic des trams sur la Paradaplatz, en marge de la Grève féministe. La police les a dispersées. Elle aurait fait usage de gaz lacrymogènes, selon des vidéos mises en ligne par des activistes. Le trafic des trams a pu reprendre vers 14h, indique les transports publics de la ville (VBZ). Après leur action, les militantes et militants se sont rendus dans le quartier de la Langstrasse pour la manifestation officielle. Sur leur chemin, ces personnes ont bloqué d'autres trams.
300'000 personnes mobilisées, selon l'USS
D'autres grandes villes alémaniques ont également été le théâtre de défilés, notamment Bâle et Berne. Dans la capitale, la foule amassée sur la Place fédérale (forte de plus de 10'000 personnes) a été rejointe par des élues et des élus, notamment la conseillère fédérale socialiste Élisabeth Baume-Schneider.
L'Union syndicale suisse (USS) estime à plus de 300'000 le nombre de personnes qui ont participé mercredi à la journée de grève féministe dans l'ensemble du territoire suisse.
(ATS)