Roger Nordmann veut devenir conseiller fédéral, révélait Blick le 2 octobre. Information que le socialiste avait confirmée devant la presse le surlendemain. Mais les ambitions du Vaudois, l’un des rares Romands qui comptent vraiment sous la Coupole, ne font pas que des heureux. Y compris dans son propre camp.
Plusieurs membres influents du parti à la rose confient en coulisse se sentir mis devant le fait accompli: «Les statuts sont clairs, c’est le congrès qui désigne nos éventuels candidats au Conseil fédéral. Or, le prochain se tiendra le 23 octobre, le lendemain des élections fédérales. En annonçant son intention avec autant d’avance, Roger force ainsi le passage. Il tord le bras au congrès, qui pourra difficilement faire autre chose que prendre acte de son désir.»
Au bout du fil, un autre poids lourd de la section cantonale tient toutefois à tempérer cette lecture des faits. Lui aussi souhaite rester anonyme: «On sait très bien pourquoi Roger est sorti du bois si tôt: à quelques semaines des élections, il voulait se donner de la visibilité ainsi qu’au parti. Cette manière de faire ne me choque pas et, à ma connaissance, il a respecté tous les usages avant de dévoiler sa candidature.»
Juste avant de raccrocher, cette source ironise: «Franchement, dans toute cette histoire, la temporalité, c’est anodin. Même si — à l’inverse de ce qui lui est reproché — Roger avait déclaré sa candidature à une poignée de jours du congrès, vous imaginez ce dernier l’envoyer bouler? C’est impensable, malgré l’énervement de certains collègues. Ceci dit, si Roger devait se faire gifler, à part déménager, je ne vois pas quelle option il lui resterait pour surmonter le choc.»
«Tout est en règle»
Contacté, Romain Pilloud, président du PS Vaud, confirme que l’annonce de son champion a été faite en bonne et due forme. «Tout est en règle: il avait tout à fait le droit de clamer son intention de la manière dont il l’a fait, puisqu’il s’était coordonné avec toutes les instances nécessaires et que les membres en ont été informés avant la conférence de presse, assure-t-il. Par ailleurs, cette façon de faire est similaire à celle des autres candidats à la candidature.»
Ce député au Grand Conseil rappelle qu’il a toujours été précisé que le dernier mot reviendrait au congrès. Notamment lors de la conférence de presse bernoise organisée pour lancer l’ancien chef de groupe aux Chambres fédérales dans la course à la succession d’Alain Berset.
Certes. Mais, dans ces conditions, les délégués auront-ils vraiment les coudées franches pour débattre et répondre à la question centrale: le spécialiste des thématiques énergétiques a-t-il sa place au gouvernement? «Personne ne tord le bras à personne, le choix de présenter Roger Nordmann ou non sera pris démocratiquement, rétorque Romain Pilloud. Enfin, il est nécessaire de rappeler que le vote du congrès n’est qu’une première étape.»
Nordmann se crispe
Quid du timing de l’annonce, maintenant? «Il est clair qu’il s’agissait aussi de mettre notre liste pour les élections fédérales en avant et pas seulement Roger (ndlr: candidat au National), pour qui je ne me fais d’ailleurs aucun souci», insiste encore le président, qui pense en outre que cette opération était l’occasion rêvée de «démontrer que les socialistes vaudois ont des politiciennes et politiciens de talent».
Il développe ses arguments: «Nous l’aurions fait pour n’importe quel autre candidat vaudois compétent. Nous avons la chance d’avoir pu le faire en pleine campagne, ce qui nous a permis de mettre nos thèmes en lumière. Cela nous profitera à toutes et tous.»
Également joint par téléphone ce jeudi matin et confronté aux critiques murmurées par des camarades, Roger Nordmann ne dissimule pas son agacement. Il dit cependant ne souhaiter faire aucun commentaire. Une volonté qu’il confirmera dans un SMS envoyé une dizaine de minutes plus tard.