Des experts s'expriment sur les sauvetages en altitude
«Nous ne devrions pas sous-estimer la montagne»

Les sports de montagne sont en plein essor, mais beaucoup surestiment leurs capacités et sous-estiment les dangers en altitude. En un an, 109 personnes ont perdu la vie. Deux experts rappellent à quel point la montagne est imprévisible.
Publié: 17.03.2024 à 11:49 heures
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Dernière mise à jour: 17.03.2024 à 12:36 heures
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L'accident de montagne en Valais a suscité de vifs débats.
Photo: AFP/Kantonspolizei Wallis
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Lisa Aeschlimann et Cécile Rey

Ce jour-là, la nature s'est montrée sous son jour le plus cruel. Il faisait un froid de canard, accompagné d'un vent glacial de plus de 100 km/h. La visibilité était pratiquement nulle.

Le week-end dernier, six alpinistes ont été pris dans une tempête à plus de 3500 mètres d'altitude sur le chemin de Zermatt à Arolla, cinq d'entre eux ont été retrouvés morts. Les recherches pour retrouver la sixième personne, une femme de 28 ans, ont été suspendues par la police jeudi soir.

Rarement un accident aura autant choqué la Suisse que la mort de ces alpinistes. Selon le chef des secours de Zermatt, Anjan Truffer, le groupe qui s'entraînait pour la prochaine Patrouille des Glaciers, l'une des courses de ski de randonnée les plus difficiles au monde, était très mal équipé. Habillés de vêtements légers et équipés de petites pelles avec lesquelles ils n'avaient aucune chance de creuser une grotte pour se protéger, les randonneurs, désorientés, sont morts de froid, a déclaré Anja Truffer.

Plus de 3500 personnes en détresse en montagne en 2022

Leur équipement insuffisant et une erreur présumée d'appréciation des prévisions météorologiques ont déclenché de vifs débats: les randonneurs sous-estiment-ils les dangers en montagne, comme l'affirment désormais certains experts?

Une chose est sûre: les randonnées à ski connaissent un véritable boom depuis quelques années. Le marché s'est nettement développé, en particulier pendant la pandémie. Le fournisseur d'équipement Dynafit parle dans la «NZZ» d'une montée en flèche de la pratique.

Concrètement, les sports de montagne sont devenus plus sûrs ces dernières années. L'équipement technique s'est amélioré, les prévisions d'avalanches sont devenues plus précises. Le nombre record de sauvetages reflète surtout la masse de personnes qui se déplacent en montagne. Selon les dernières statistiques sur les urgences en montagne du Club Alpin Suisse (CAS), plus de 3500 personnes ont été en détresse en montagne en 2022 et 109 sont décédées. 

Selon les statistiques du CAS, la forte augmentation des «blocages» en montagne est frappante. Les personnes concernées ne sont plus en mesure de poursuivre leur randonnée ou de faire demi-tour, elles se sont perdues ou sont restées bloquées. En règle générale, les personnes concernées peuvent être sauvées indemnes ou légèrement blessées. Le rapport indique: «En 2022, les personnes bloquées en montagne ont été nettement plus nombreuses (1008) à solliciter une aide d'urgence que la moyenne sur 10 ans (607).» Les blocages ont fortement augmenté par rapport aux années précédentes, en particulier lors des randonnées à ski. Alors qu'en 2020, 26 cas d'urgence en randonnée avaient été enregistrés, ils étaient déjà presque cinq fois plus nombreux en 2022, avec 122 cas.

Un quart de toutes les urgences en montagne est concerné par de tels blocages, peut-on lire sur le site Internet du CAS. Cela pourrait être évité avec une meilleure préparation. En effet, les personnes concernées ont souvent sous-estimé leur randonnée, ne l'ont pas suffisamment ou pas du tout planifiée ou n'ont pas adapté l'activité à leurs capacités.

La situation devient douloureuse pour les personnes concernées lorsqu'elles doivent payer elles-mêmes la facture salée de l'action de sauvetage. En effet, selon le Tribunal fédéral, les assurances ne doivent prendre en charge les frais d'un tel sauvetage qu'en cas d'accident ou de «situation d'urgence avec menace d'atteinte à la santé en l'absence de possibilité de sauvetage personnel».

«On veut tout optimiser»

Marcel Kraaz, responsable au CAS et guide de montagne, évoque plusieurs raisons à cette augmentation. Dans les sports de montagne, comme dans la société, la performance est de plus en plus importante: «On veut tout optimiser.» Cette évolution attire de plus en plus de groupes de personnes qui privilégient le sport à l'expérience de la nature. L'équipement plus léger, qui permet des vitesses plus élevées, connaît un boom. Il s'agit surtout d'une chose: plus haut, plus vite, plus loin.

Il y a, par exemple, des alpinistes d'expédition qui s'acclimatent chez eux dans une tente pressurisée et se font ensuite transporter par hélicoptère jusqu'au camp de base. L'essentiel est d'aller vite et d'atteindre le sommet.

Ou les «skyrunners», qui pratiquent une sorte de trail running de l'extrême, de plus en plus populaire. En 2018, l'alpiniste valaisan Andreas Steindl a couru de Zermatt au Cervin et retour en moins de quatre heures, 2861 mètres de dénivelé, 22,8 kilomètres de performance. Les alpinistes «normaux» mettent à eux seuls quatre heures pour se rendre de la cabane Hörnli au sommet.

La montagne est imprévisible

Marcel Kraaz regrette cette tendance à l'optimisation. Moins on prévoit de réserves, plus on est vulnérable. En effet, si les réserves venaient à manquer en montagne, les conséquences seraient vite fatales.

Raphael Wellig fait des randonnées en montagne depuis les années 80, à l'époque où les moyens techniques étaient encore rares. Il explique: «On avait un respect bien plus grand pour la nature.» Aujourd'hui, on se fie trop à la technique et on se satisfait d'une prétendue sécurité. 

L'accident en Valais lui a rappelé que quelque chose peut arriver à tout moment: «On est minuscule dans la nature. Il suffit de peu pour que l'homme atteigne ses limites.» Il est d'autant plus important de se préparer correctement, explique Raphael Wellig. Les situations potentiellement difficiles doivent être envisagées au préalable: «On sait alors ce qu'il faut faire en cas d'urgence.» Pendant la randonnée, il faut toujours se demander si les réserves sont suffisantes. «En cas de doute, il vaut mieux faire demi-tour.» L'expert espère que ce tragique accident de montagne en Valais réveillera les randonneurs à ski: «Nous ne devrions pas sous-estimer la montagne.»

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