Ce qui devait être une belle excursion s'est transformée en une tragédie en Valais: six randonneurs à ski sont partis samedi matin de Zermatt pour se rendre à Arolla, par la Haute Route. Mais leur itinéraire a brutalement été stoppé à cause du temps, trop mauvais. Peu après 17 heures, le groupe a lancé un appel de détresse dans le secteur du col de Tête Blanche.
Sur le drame de Tête Blanche
Six hélicoptères de sauvetage privés, ainsi que deux Super Puma de l'armée, ont été déployés dans l'opération de recherche. Des dizaines de spécialistes du sauvetage en montagne ont également été mobilisés.
Pendant ce temps, les randonneurs à ski ont tenté de se protéger du vent en construisant des grottes avec la neige. De précieuses heures se sont écoulées, sans pouvoir être secourus.
Ce n'est que dimanche soir que les sauveteurs ont retrouvé cinq des alpinistes, décédés: Christophe B.*, conseiller communal de Vex (VS) en fonction depuis il y a seulement deux semaines, son cousin Antoine B.*, ses deux frères, son oncle, et une autre personne.
On ne sait pas laquelle de ces personnes est toujours portée disparue.
Des rafales de 120 km/h, par une température ressentie de -30°C
Une enquête est en cours pour déterminer les circonstances du drame, qui s'est produit à plus de 3000 mètres d'altitude: «Nous voulons comprendre la chronologie des événements qui ont conduit à cette tragédie», a déclaré lundi la procureure générale Béatrice Pilloud. Les conditions météorologiques sont toutefois pointées du doigt, et une question revient sans cesse: pourquoi les alpinistes ont-ils été surpris par la tempête hivernale?
Car selon Meteo News, des vents forts, voire des rafales d'ouragan, étaient bel et bien prévus pour samedi dans la région. Des pointes de vent de 120 km/h étaient attendus pour le Petit Cervin, avec une température de -15°C. Ressenti: -30°C!
Les guides de montagne valaisans sont aujourd'hui divisés: fallait-il s'aventurer en montagne dans de telles conditions?
«J'aurais peut-être adapté l'itinéraire»
Pour Anjan Truffer, chef des secours de Zermatt, partir malgré de telles prévisions était une erreur: «C'est faire preuve de négligence que d'entreprendre de telles randonnées avec de telles prévisions météorologiques», avait déclaré le guide de montagne expérimenté à Blick.
Klaus Aufdenblatten, un autre guide de montagne valaisan, est, lui aussi, catégorique: «Les alpinistes ont complètement sous-estimé les conditions météorologiques. Le vent en particulier peut prendre une force énorme.»
L'été dernier, Klaus Aufdenblatten a dû faire demi-tour peu avant le sommet du Breithorn, accablé par le froid et la neige et les puissantes rafales de vent: «Si en plus le brouillard se lève, on ne distingue plus rien. On ne sait plus où est la gauche ou la droite.»
Or en montagne, le changement de temps peut être très brutal: «On n'a aucune chance en montagne contre les conditions, la seule solution est de rebrousser chemin». Aujourd'hui encore, le guide ne comprend pas pourquoi les randonneurs à ski ont continué: «C'est un mystère pour moi».
Décider de partir en randonnée dans des conditions semblables à celles rencontrées avec la tempête de foehn est une tâche ardue, explique Lionel Corboz de l'Association valaisanne des guides de montagne: «Décider de partir peut être un bon choix le matin, mais un mauvais à midi.»
Lui, ne serait pas parti et n'aurait pas pris de risque: «J'aurais peut-être changé mon itinéraire pour éviter le vent.»
«Il n'y avait pas de forts vents à cet endroit»
Mais Pierre Mathey voit les choses différemment: «Samedi, j'aurais personnellement aussi commencé une randonnée à Zermatt, car la météo n'était pas si mauvaise» a déclaré le directeur de l'Association suisse des guides de montagne à la SRF:
Interrogés par Blick, deux guides de montagne valaisans, qui souhaitent rester anonymes, expliquent, eux aussi, qu'ils auraient fait la randonnée, malgré les fortes prévisions de vent: «Le fait qu'il y ait environ 120 km/h au sommet, ce n'est pas une raison de ne pas faire l'ascension», explique l'un d'eux à Blick.
Il se trouvait samedi dans la région d'Augstbord, à 25 kilomètres du drame de la Haute Route: «Il n'y avait pas de forts vents.» Et c'est souvent le cas avec les prévisions. La situation peut varier d'un endroit à l'autre.
Or les prévisions météorologiques pour une randonnée de Zermatt à Arolla n'étaient pas bonnes, ce qui exigeait d'anticiper le moment où il aurait fallu rebrousser chemin: «Il faut environ trois à quatre heures pour atteindre le col de Tête Blanche. Si j'avais alors remarqué que le vent devenait de plus en plus fort, j'aurais interrompu la randonnée» déclare ainsi un des deux guides de montagne valaisans.
Lundi, les recherches se sont poursuivies pour retrouver la dernière personne disparue. Un hélicoptère, des détecteurs de victimes d'avalanches, d'autres appareils de localisation et des perches de sondage ont été utilisés.
Sans succès. Mardi, les recherches se poursuivent.
* Noms modifiés