Coup de tonnerre en Valais. Un signalement effectué à l’Autorité de protection de l’enfant et de l’adulte (APEA) du district d’Entremont, que Blick s’est procuré, affirme que le richissime héritier d’Hermès — un octogénaire français sans enfant — entretiendrait en réalité une relation intime avec son employé de maison marocain… qu’il voudrait adopter et dont il serait sous l’influence.
Les écrits du proche du milliardaire domicilié dans le val Ferret, qui a longtemps travaillé avec, sont forts: «L’actualité nous montre malheureusement trop souvent que des personnalités telles que [Patrick*], dans la dernière partie de leur existence, sont parfois 'convoitées' par des personnes mues par leur seul intérêt.»
L’auteur développe: «L’âge avancé, la solitude, peuvent alors conduire un être fragilisé à se départir de ses biens. En pleine capacité, jamais il n’y aurait consenti. Il suffit de se remémorer à cet effet l’affaire actuelle défrayant la chronique concernant Alain Delon, ou celle moins récente de Liliane Bettencourt.»
Un premier coup de théâtre
Posons le décor. L’affaire débute le 1er décembre. «La Tribune de Genève» révèle que celui qui possède 5,7% de la marque de luxe réputée pour ses cravates, ceintures, sacs et foulards désire chambouler sa succession. L’image est belle: un domestique né d’une modeste famille du pays du couchant lointain pourrait hériter d’une des plus grosses fortunes de Suisse romande, puisque l’ex-homme d’affaires au bénéfice d’un forfait fiscal aurait entamé des démarches pour l’adopter en Valais.
Cependant, des dents grincent. Jusque très récemment, l’héritier d’Hermès prévoyait de léguer son magot à la fondation d’intérêt public qui portait initialement son nom. En effet, en 2011, Patrick a signé — devant notaire — un pacte successoral prévoyant de donner à cette organisation la totalité de ses actions Hermès. Le document appuie qu’il est célibataire et ne laissera à son décès aucun héritier.
«Sa fondation est aujourd’hui gérée depuis une maison de maître, dans un quartier huppé de Genève», décrivent nos confrères du bout du Léman. Rebaptisée en 2022 Fondation Isocrate, la structure finance des projets de lutte contre la désinformation, à travers des ONG soutenant le journalisme.
Mais tout change début 2023. Dans une lettre manuscrite que Blick s’est aussi procurée, Patrick retourne sa veste et annonce résilier son pacte successoral. Il justifie sa décision par le fait qu’il a «l’intention de prendre d’autres dispositions testamentaires», selon la note — sans préciser qui en profitera.
Celui dont la valeur des actions dépasse les 10 milliards de francs proclame également avoir été induit en erreur lors de la création de la fondation. Il croyait qu’elle «pouvait [le] protéger ainsi que [ses] avoirs», avance-t-il, toujours dans sa prise de positon. En clair, il prétend qu’il pensait pouvoir garder la maîtrise des biens légués à sa fondation. À tort: ces dons sont censés être irrévocables.
«La Tribune de Genève» précise: «Revenir sur un pacte successoral — plus contraignant qu’un testament — est difficile. Pour le résilier, il faudrait que la Fondation Isocrate soit d’accord. Et ce n’est pas le cas.» Son secrétaire général, Nicolas Borsinger, déclare au quotidien genevois: «Sur la base des informations en possession de la fondation, cette volonté d’annulation abrupte et unilatérale du pacte successoral paraît nulle et infondée.» Ambiance.
Un isolement qui interpelle
Le feuilleton ne s’arrête pas là. Dans le signalement adressé par courrier recommandé à l’APEA, il est dressé une histoire qui serait beaucoup plus sombre derrière le conte de fées de l’adoption du pauvre ouvrier, aujourd’hui âgé de 51 ans.
Selon les assertions de l’ancien proche du milliardaire français, qui justifie sa «douloureuse démarche» par le «devoir» d’aider celui pour qui il conserve «toute sa bienveillance et affection», Patrick s’est progressivement isolé dans son chalet valaisan depuis le Covid. Au point de n’être entouré que de ses employés de maison. Parmi eux: l’homme qu’il désirerait adopter, ainsi que la femme de ce dernier.
Toujours d’après le signalement en notre possession, «au fil des années […], ces domestiques ont réussi à passer du service de [Patrick] à la table d’hôte. Ils ont su — à l’étonnement de tous — se rendre 'affectivement' indispensables […].» Très concrètement, le proche inquiet raconte que Patrick aurait rencontré celui qui deviendra son employé de maison lorsqu’il vivait en Andalousie. «Ce dernier […] ne savait ni lire ni écrire. [Patrick] tomba toutefois sous [son] charme. Il a alors progressivement entretenu des rapports intimes avec ce dernier. Une longue relation en a résulté.»
Il développe son récit, couché sur papier. «[Abdel Jamal*] demanda par la suite à [Patrick] d’engager sa concubine […], comme femme de chambre. Cette dernière est issue de la communauté des gens du voyage. Bien que cela était initialement difficile pour [Patrick], ce dernier accepta de prendre cette dernière à son service. Il s’étonna par la suite de se lier également d’affection pour la concubine de son compagnon de vie, respectivement de leurs deux enfants.»
Des dépenses somptuaires
L’individu derrière le feuillet d’une vingtaine de pages déclare que l’entourage de l’ultrariche se serait étonné de cette présence «de plus en plus envahissante» et de son «caractère dirigiste», «tout particulièrement» de la femme du jardinier. Plus préoccupant encore, «[Patrick] a été amené à faire d’importantes libéralités en faveur de ses domestiques». Abdel Jamal et sa conjointe auraient «notamment reçu plus de 54 biens immobiliers, argent et cadeaux, pour un montant minimal de 60 millions de francs.»
Il cite encore, «à titre illustratif», «une magnifique villa à Montreux, d’une valeur de 4,7 millions», cédée gracieusement dans «le courant de l’année 2023» par le retraité. «Non satisfait de ce qui précède, [les deux domestiques] qui ont un accès illimité à la carte bancaire de [Patrick], ont pour exemple dépensé plusieurs centaines de milliers de francs en peu de temps dans des boutiques de luxe, notamment à Genève. Des prélèvements en espèces très importants pourraient également avoir eu lieu.»
En clair, pour cet intime du milliardaire, l’adoption aurait pour but de «capter la propriété de ces titres (ndlr: ceux d’Hermès international SA), ou pour le moins la part réservataire des 'descendants'.» Il lance, plus loin dans son cri du cœur: «La situation de [Patrick] pourrait devenir catastrophique. […] son héritage [pourrait] être gravement entaché.» Pour lui, l’APEA doit donc agir pour protéger l’octogénaire.
Cette dernière a-t-elle bien reçu le signalement? Et quelles mesures seront prises en réaction? «En raison du secret de fonction, notre Autorité ne peut confirmer ou infirmer les éléments contenus dans votre courriel», répond laconiquement son président, ce vendredi en milieu de journée.
Contacté et confronté aux pièces en notre possession, Maître Yannis Sakkas, avocat mandaté par l'ancien proche de Patrick d’après l’en-tête du signalement que nous avons été en mesure d’authentifier, se refuse à tout commentaire. Le conseil du milliardaire, du jardinier et de sa femme, n’a quant à lui pas décroché son téléphone. Il n’a pas non plus répondu aux questions que nous lui avons adressées par écrit. Blick a par ailleurs tenté à plusieurs reprises de joindre le trio directement concerné par la mise en garde — à leur domicile et sur tous leurs numéros. Mais nos appels sont restés vains.
*Noms connus de la rédaction