À quelques jours de ses 60 ans, Pierre-Yves Bosshard ne figure d’ores et déjà plus sur la liste officielle des avocats recensés par l’Ordre judiciaire genevois, a appris Blick. Il lui est interdit durant un an de plaider dans aucun tribunal helvétique, même s’il a un délai de trente jours pour recourir contre cette grave sanction s’il le souhaite.
Quel péché professionnel a donc commis celui qui est par ailleurs élu au législatif communal du bout du Léman, pour être si sévèrement sanctionné par la Commission du barreau? Président de ce très sérieux organisme, Me Shahram Dini ne souhaite pas se prononcer sur ce cas précis. Il n’infirme toutefois pas notre information. «Nous n’avons pas coutume de communiquer et détailler publiquement nos décisions», explique-t-il.
Une «faute grave»
Il reconnaît qu’une telle sanction, qui plus est avec effet immédiat, découle d’une «faute grave» commise par un avocat inscrit au barreau. Dans l’échelle de ce type de décisions, cela va de l’avertissement au blâme et à l’amende, jusqu’à la radiation temporaire, voire définitive.
L’intérêt public n’est-il pas prépondérant dans un tel cas de figure pour dévoiler le nom du professionnel pareillement sanctionné ainsi que le motif, afin que d’éventuels clients le mandatent en toute connaissance de cause? Me Shahram Dini admet qu’un certain intérêt public est en jeu, mais il évoque le respect de la vie privée des gens.
Et plus particulièrement celle d’un confrère? Le président de la commission chargée de la surveillance des avocats rejette tout soupçon d’un quelconque corporatisme. À ses yeux, la situation serait similaire s’il s’agissait — par exemple — d’un médecin.
Tombé en disgrâce
Nous avons tenté de faire réagir Pierre-Yves Bosshard, mais il a refusé de communiquer. Il ne s’agit pas de n’importe quel homme de loi. Ancien élu socialiste à l’Exécutif de la ville de Morges (VD), il a ensuite occupé la fonction prestigieuse de juge cantonal vaudois à partir de 2001.
En 2012, il a été rattrapé par un scandale qui lui a fait perdre son poste de magistrat après une enquête administrative. Alors qu’il était membre de la Cour des poursuites et faillites, lui-même ne payait plus ses impôts depuis plusieurs années et l’avait caché à ses collègues du tribunal. Une majorité de députés vaudois avait refusé de le réélire comme juge après deux mandats.
Nouvelles incartades
Pierre-Yves Bosshard a ensuite refait sa vie à Genève où il réside et travaille. Il est associé dans une étude à un autre avocat, également socialiste, qui siège au Grand Conseil. En parallèle, il a continué de bénéficier d’une confortable rente d’ancien magistrat, financée par les contribuables vaudois, comme la loi l’y autorise.
Interrogé à ce sujet en été 2018 par lematin.ch, il avait dans un premier temps refusé d’en parler, se justifiant par un «droit à l’oubli». Il semble avoir également suivi une thérapie. Pour mémoire, le quinquagénaire a été élu sous la bannière du parti à la rose au conseil municipal de la ville de Genève, où il siège dans trois commissions, dont une qu’il préside.
Les électrices et électeurs l’ont cependant empêché d’accéder à un fauteuil au parlement cantonal qu’il briguait en avril dernier. Si la présidence du Parti socialiste (PS) genevois estimait jusqu’alors qu’il avait payé sa dette, il n’est pas certain que ses nouvelles incartades laissent indifférents ses camarades de parti.