Le canton de Vaud doit dealer avec ses dealers… du moins selon une partie de la population. Depuis le 16 août, une pétition adressée au Grand Conseil vaudois et intitulée «Le deal de rue, ça suffit! Tolérance zéro!» circule sur internet et dans les rues de Lausanne, Yverdon et Vevey. À sa source, un «mouvement citoyen» qui se présente comme «interpartis» et qui souhaite incarner le ras-le-bol de la population.
À l’heure actuelle, près d’un millier de personnes soutiennent la pétition sur son site. Pétitionnaires et signataires demandent le «contrôle permanent des lieux publics où il y a du deal» par la police, des sanctions comme l’éloignement pour les vendeurs de substances illicites ou encore une protection accrue des personnes jeunes ou vulnérables, parfois abordées dans la rue.
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Interview de Marianne Dind, juriste de profession et ancienne vice-présidente du groupe de l’Union démocratique du centre dans la Riviera (UDC Riviera). La candidate malheureuse au Conseil national en 2023 est l’une des pétitionnaires engagées dans la récolte de signatures. Elle en détaille les raisons.
Marianne Dind, vous dites observer le ras-le-bol citoyen face au deal de rue. Comment se manifeste-t-il?
Plusieurs habitants de Vevey ont écrit à la conseillère communale Sarah Dohr (ndlr: l’autre femme derrière la pétition), élue pour Vevey Libre, pour se plaindre de cette situation vers la gare. Moi-même, je n’ai pas de mandat, mais j’ai entendu beaucoup de plaintes au sein de mon parti. Et à l’extérieur, des amis peu intéressés par la politique me parlent de leurs enfants ou de leurs adolescents qui sortent sur Vevey et se font aborder par des dealers leur proposant des substances. Je ne peux pas dire qu’ils sont tout le temps agressifs, mais cela crée un climat général délétère.
Vous proposez un durcissement de la répression du deal, dans votre pétition. La problématique n’est-elle pas plus complexe que cela?
On n’a jamais dit que la répression est l’unique solution. Il y a aussi une question de prévention, surtout dans les écoles. La politique des quatre piliers a du sens et fonctionne dans plusieurs villes alémaniques. Mais on ne fait rien sans la répression. Même à gauche, certains sont conscients que cette dimension est indispensable. La seule réfractaire aux mesures, c’est la gauche dure qui dit avoir peur des dérives. Notre mouvement estime que la répression est la première réponse. À Bex, par exemple, des opérations «coup de poing» avaient permis en 2016 d’écarter les dealers de ces zones problématiques.
Qu’est-ce qui dérange le plus la population d’après vous?
C’est l’attroupement des dealers. Cela cause des nuisances directes et indirectes. Par la force des choses, des marginaux arrivent et veulent consommer. À Vevey, on retrouve des personnes sous substance shootées dans les escaliers de la gare. L’impression de laxisme est assez tangible. Dans les villes touchées par ce phénomène, ce laisser-aller général encourage les crimes en tous genres, dont des vols. Pour vendre des produits licites sur la place publique ou pour distribuer des tracts, une autorisation est nécessaire. Mais pour ce qui est des substances, ces personnes sont comme dans des zones de non-droit et peuvent rester jusqu’à ce que, de temps à autre, la police arrive. On veut que les citoyens puissent se réapproprier ces espaces.
Ça sert vraiment à quelque chose sur le plan politique, une pétition citoyenne?
Il s’agit de mettre la pression à notre échelle sur la politique. Nous avons voulu en faire un mouvement citoyen, car c’est une problématique qui touche aussi bien la gauche, la droite et les apolitiques. Il faut en faire une priorité et incarner le ras-le-bol de la population. On a l’arsenal juridique pour mettre fin au deal de rue dans les endroits très fréquentés, comme les gares des villes vaudoises comme Vevey, Yverdon ou Lausanne. Pour nous, c’est le moment d’agir.
Pourquoi maintenant?
Cela fait des années qu’on nous dit que des actions sont prises, tant au niveau cantonal que communal. Pourtant, rien ne se passe et la situation empire. C’est ironique. En 2018, c’était notre conseiller d’État Vassilis Venizelos (Les Vert-e-s), alors au Grand Conseil, qui avait lancé une motion pour un plan d’action global, coordonné et pluridisciplinaire. Le Canton a débloqué 10 millions, pour un plan d’action de 2022 à 2026. Aujourd’hui, plus de la moitié du temps est écoulée. Et franchement, on ne voit pas d’amélioration, seulement la mise en place de solutions inutiles comme des médiateurs de rue ou de la prévention dans les festivals.