Ce sera donc Albert Rösti contre Hans-Ueli Vogt. Il a fallu attendre la fin de l'après-midi, vendredi à Hérémence, pour que l'UDC détermine la composition définitive de son ticket en vue de l'élection à la succession d'Ueli Maurer, le 7 décembre prochain.
C'est là, au pied de la Grande-Dixence, qu'Albert Rösti a largement tenu son rang de favori. Comme un symbole, alors que le dossier de l'énergie est des plus brûlants.
Monsieur Rösti, après avoir été auditionné par votre groupe parlementaire, vendredi après-midi, vous avez eu besoin d'une pastille contre les maux de tête. C'était si difficile?
Les deux choses n'étaient pas liées, j'ai mal supporté le changement de la météo. Mais c'est vrai que j'étais nerveux: ce n'est pas rien, une audition. Je défends quiconque de penser que c'était un exercice alibi. En quelque sorte, il y avait peu à gagner, mais tout à perdre. Le vote a lieu immédiatement après l'audition, donc on n'est jamais à l'abri d'un changement d'avis sur le coup. J'ai déjà vécu cela...
Vous voilà face à Hans-Ueli Vogt, qui a arraché son ticket contre Werner Salzmann. En quoi êtes-vous un meilleur candidat que lui?
Je suis depuis longtemps au Parlement. J'ai une profonde connaissance des dossiers et j'ai prouvé à plusieurs reprises que je savais obtenir une majorité. Je dispose, de plus, d'une expérience de direction du parti.
Parmi l'aile zurichoise, des voix se sont exprimées de manière assez impitoyable contre votre candidature. Cela vous a-t-il blessé?
Non, ça fait partie du jeu. Et ce n'était qu'une seule voix.
En parlant de l'UDC zurichoise: Christoph Blocher n'est-il pas venu à ce congrès parce qu'il s'attendait au résultat?
Cela fait longtemps qu'il ne participe plus aux réunions du groupe parlementaire. En ce sens, son absence n'avait rien d'extraordinaire...
Mais, à l'époque, lorsque vous présidiez l'UDC (2016-2020), il y avait certaines tensions entre vous.
Tensions? Ce n'est pas le bon mot. Se montrer critiques les uns vis-à-vis des autres favorise la performance. Nous ne sommes pas un parti où tout le monde se tape sans arrêt dans le dos. C'est stimulant.
Entre vous deux, c'est un face-à-face égal?
Non, mais cela n'a rien à voir avec Christoph Blocher. C'est la même chose pour tous les anciens: je les aborde avec beaucoup de respect, parce qu'ils ont davantage d'expérience que moi et ils ont réalisé de grandes choses. Mais j'ai aussi confiance en moi, bien entendu.
Justement: malgré l'opposition des cercles zurichois, vous vous êtes facilement qualifié pour le ticket. Est-ce le moment de dire que l'époque de Christoph Blocher est révolue?
Je veux surtout suivre mon propre chemin. Mais sans Christoph Blocher, l'UDC ne serait pas devenue celle qu'elle est aujourd'hui. J'en ai aussi profité. Et d'un autre côté, il y a aussi eu Adolf Ogi, qui avait une image plus conciliante et qui a été tout aussi important pour le parti. Nous sommes la génération qui leur succède et nous avons le devoir de transmettre cet héritage.
Donc vous n'êtes pas l'héritier de Christoph Blocher, mais d'Adolf Ogi.
Je continue à porter l'héritage de l'UDC.
Christoph Blocher semble particulièrement tenir à ce que vous restiez sur sa ligne en ce qui concerne la question européenne...
Depuis que je fais de la politique, je n'ai pas dévié d'un iota de la position selon laquelle la Suisse doit toujours rester indépendante. En tant que président de parti, j'avais mis en garde contre l'accord-cadre, souvent bien seul. Et ce bien avant que la gauche n'arrive avec l'argument de la protection des salaires.
Le parti veut en tout cas s'en assurer et vous a demandé de montrer patte blanche: vous avez dû promettre à la Commission de sélection de respecter la ligne de l'UDC sur des thèmes importants comme la neutralité ou la migration.
J'ai simplement répété les valeurs qui m'animent et que j'ai toujours respectées jusqu'à présent. Pour un candidat au Conseil fédéral, les valeurs propres doivent toujours correspondre à celles du parti.
L'UDC soutient l'initiative sur la neutralité, alors que le Conseil fédéral recommandera très probablement de la rejeter. Comment se comportera le conseiller fédéral Albert Rösti, s'il est élu?
Il soulignera avec véhémence l'importance de la neutralité perpétuelle et expliquera au Conseil fédéral pourquoi la Suisse doit s'y tenir.
Cela veut dire que vous seriez prêt à aller contre une décision prise de manière collégiale? Comme Ueli Maurer, vous êtes prêt à violer la concordance?
De par mon expérience au Parlement et en tant que président de parti, on sait que je peux m'exprimer de manière très claire et défendre la position du parti avec beaucoup de conviction. Mais il est certain également que je respecte les règles. La collégialité en est une.
Un lecteur de Blick a commenté l'article qui faisait mention de votre nomination en vous qualifiant «d'opportuniste sans profil». Que répondez-vous?
Je me suis mis à la disposition du parti pour toutes sortes de postes et j'ai même accepté des candidatures qui n'avaient aucune chance, par exemple pour le Conseil des Etats avec deux sortants incontestés. J'ai présidé le parti pendant presque cinq ans sans recevoir de salaire. Que chacun juge lui-même si cela relève de l'opportunisme.
Le lecteur a peut-être fait allusion à vos nombreux mandats extraparlementaires. Cela a-t-il été abordé lors de l'audition de votre groupe ?
Ce sujet a été soulevé. Tant que nous aurons un parlement de milice, chacun d'entre nous portera plusieurs casquettes. L'important est que celles-ci ne contredisent pas les valeurs du parti.
Vous aspirez au Département de l'énergie. L'obtiendrez-vous ?
Il serait présomptueux de répondre à cette question. Dans chaque commission, la règle est la suivante: les plus jeunes doivent passer derrière. Je me sens capable de me familiariser avec tous les départements. Mais on sait où sont mes points forts.
La Suisse construirait-elle à nouveau des centrales nucléaires sous un ministre de l'Energie Rösti ?
Je m'engagerais pour la neutralité technologique dans tous les domaines - y compris dans la production d'énergie. C'est pourquoi je m'engagerais pour une suppression de l'interdiction des centrales nucléaires, mais c'est le Parlement qui déciderait. Nous aurons besoin à l'avenir d'au moins deux fois plus d'électricité pour atteindre les objectifs climatiques. Pour cela, nous avons besoin de grandes centrales.
Vous rompriez avec le tournant énergétique ?
Je soutiens un tournant énergétique qui s'éloigne des combustibles fossiles et se tourne vers l'électricité. Mais cela n'est possible que si nous autorisons toutes les technologies sans énergies fossiles.
Vous avez toujours rejeté le rôle de favori. Vous avez maintenant été désigné au premier tour. Allez-vous continuer à affirmer que vous n'êtes pas le favori jusqu'à l'élection du Conseil fédéral ?
Je me réjouis bien sûr que la nomination se soit si bien passée pour moi. Mais lors d'une élection, le momentum est décisif. Tout dépend du nom que les parlementaires inscriront sur le bulletin le 7 décembre. D'ici là, mon nom ne figurera nulle part. C'est pourquoi je reste très prudent.