Avant même de gagner la votation sur la 13e rente AVS, Pierre-Yves Maillard était déjà un poids lourd politique. Aujourd'hui, le conseiller aux Etats socialiste déborde d'énergie. Et sa faim de pouvoir reste insatiable. Gare à ceux qui se mettent en travers de son chemin.
Quoi qu'il en soit, Pierre-Yves Maillard n'en revient toujours pas, après le triomphe de l'AVS. Dimanche soir, une fois sa dernière interview donnée, il est allé manger des tapas avec sa famille et ses amis: «Ces dernières semaines, je n'ai cessé de penser à une femme âgée qui nous avait envoyé 20 francs en disant 'C'est tout ce que j'ai'», confesse l'homme qui, de ses propres aveux, s'est senti redevable envers cette femme.
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Quand il s'agit de chiffres compliqués, l'Union syndicale suisse (USS) se tourne vers son économiste en chef, Daniel Lampart. Mais Pierre-Yves Maillard, lui, ne mise pas sur les statistiques. Il est d'abord un conteur d'histoire, toutes tirées de la vie: la grand-mère qui lui envoie 20 francs, la famille monoparentale qui ne peut plus payer ses factures, la veuve qui craint les frais de chauffage...
Un soutien inattendu venu... de l'UDC!
Le syndicaliste avait remarqué depuis longtemps que le vent tournait en faveur de la 13e rente AVS: «De nombreux membres de l'UDC sont venus me voir et m'ont dit que nous avions raison», dit-il, ajoutant qu'il aurait aussi une pensée pour les anciens conseillers fédéraux qui s'étaient prononcés contre le supplément de rente: «Beaucoup de ceux qui gagnent plus d'un quart de million de francs par an n'ont aucune idée de la situation des gens ordinaires.»
Le patron des syndicats n'est pas non plus tendre avec l'Union patronale suisse et Economiesuisse: «Les hauts salaires explosent, tout comme les dividendes. Or, il faudrait d'abord montrer qu'une bonne situation économique doit profiter à tout le monde, et pas seulement à une poignée de privilégiés.»
La 13e rente AVS devrait être versée dès décembre 2025, selon Pierre-Yves Maillard, qui tranche: «La balle est maintenant dans le camp du Conseil fédéral.» Celui-ci devrait rapidement mettre en œuvre la décision du peuple.
«Je n'ai pas toujours pu aider, mais nous avons toujours essayé»
Comment financer la réforme, à présent? «Nous avons sciemment laissé de côté les détails du financement», déclare le président de l'USS, qui mise sur des cotisations salariales. Et si une augmentation de la TVA – l'autre option de financement – venait à peser sur les plus pauvres, «ils auraient quand même plus d'argent en poche que sans la 13e AVS», assure également Pierre-Yves Maillard. Lui qui n'oublie pas les combats, même modestes, qu'il a menés lorsqu'il était conseiller d'État vaudois: «J'avais chaque jour le sentiment d'avoir résolu un problème.»
Pierre-Yves Maillard le répète: «Je n'ai pas toujours pu aider, mais nous avons toujours essayé.» Il a toujours préféré les échanges avec la population et s'occuper des problèmes des petites gens. Ces derniers, d'ailleurs, le lui rendent bien, notamment par l'intermédiaire de lettres envoyées: «Monsieur le conseiller d'État, j'ai perdu mon appartement et je ne sais pas où aller avec ma famille», peut-on lire dans l'une d'elles.
Un autre combat se profile: le dossier européen
Pierre-Yves Maillard, le père courage de la politique suisse, a osé et gagné. Mais déjà, un autre combat se profile avec le dossier européen. Lui n'est pas un Blocher, un anti-européen, un bloqueur, dit-il. Les syndicats veulent seulement protéger les salaires et renforcer le service public: «Si le Conseil fédéral allait dans notre sens, une solution serait possible. Mais il a d'autres objectifs.»
Qu'il s'agisse des frais, de la libéralisation du marché de l'électricité ou du monopole des CFF, Pierre-Yves Maillard est sur tous les fronts: «Nous ne voulons pas ouvrir la boîte de Pandore. Quand quelque chose est libéralisé, il est difficile de revenir en arrière.»
Et la victoire sur la 13e rente AVS attise sa soif de combats. Comme celui sur la réglementation des frais, par exemple, laquelle ne concerne qu'une petite partie des travailleurs étrangers. Pas question pour lui de sacrifier l'Europe pour ça. Pour le responsable syndical, celui qui travaille en Suisse doit, lui aussi, percevoir le taux de frais suisse. Jusqu'à 20% de travailleurs suisses sont ainsi concernés.
En face, certains crient au scandale. L'ancien ambassadeur suisse Daniel Woker estime ainsi que Pierre-Yves Maillard joue avec le feu: «Il met en jeu l'avenir européen de la Suisse. Et ce pour une broutille comme la réglementation des frais, qui est appliquée par les pays les plus riches de l'UE.»
Le syndicaliste, lui, se dit prêt à faire des compromis dans les négociations avec Bruxelles. Mais à une condition: «Les travailleurs et travailleuses en Suisse doivent faire partie des gagnants.»
Un court répit prévu à Pâques
Quoi qu'il en soit, pas question pour Pierre-Yves Maillard de se reposer pour l'instant. En deux ans, le patron de syndicats ne s'est rendu qu'à Engelberg (OW), où son beau-père possède un appartement.
Pour Pâques, il prévoit également de se rendre en Angleterre avec sa famille, où il devrait assister au match de football Liverpool – Brighton pour accompagner son fils et sa fille: «Mes enfants adorent le football et sont fans de Liverpool», lance pour terminer, et avec humour, le patron des syndicalistes.