Blick vous racontait récemment l'histoire de cette jeune femme de 28 ans souffrant de dépression et de sa décision de mettre fin à ses jours par euthanasie. Bien qu'elle soit physiquement en bonne santé, ses troubles psychiques l'affectent de manière trop importante, et il n'y a aucune issue face à cette maladie.
En Suisse, peu de jeunes souffrant de maladies psychiques sont accompagnés vers la mort. On ne sait finalement que très peu de choses sur cette pratique qui, malgré son ancrage dans le paysage suisse, reste un sujet tabou. Qui opte pour le suicide assisté dans notre pays? Comment ont évolué les chiffres? Quelles sont les différentes formes d'euthanasie? Blick fait le point.
Combien de personnes optent pour l'euthanasie?
Le nombre de personnes qui ont recours à l'euthanasie en Suisse n'a cessé d'augmenter au cours des 20 dernières années, selon les chiffres de l'Office fédéral de la statistique (OFS). Alors qu'en 2003, 187 personnes choisissaient un suicide assisté, elles étaient déjà 1594 en 2022. Dans la plupart des cas, ce sont des personnes de plus de 65 ans qui optent pour l'euthanasie accompagnée. Seul un peu plus d'une personne sur dix a moins de 65 ans.
Exit Suisse alémanique est la plus grande des neuf organisations d'assistance au décès en Suisse. Sur les 1125 personnes qui ont été accompagnées vers la mort, environ un tiers étaient atteintes d'un cancer et autant souffraient de plusieurs maladies.
Les femmes choisissent plus souvent l'euthanasie que les hommes
Un coup d'œil sur les différences entre les sexes le montre: les femmes sont plus nombreuses à mourir accompagnées que les hommes. En 2022, environ 60% des femmes (945) ont choisi l'euthanasie accompagnée, contre 649 hommes.
Il n'existe pas de réponse définitive quant aux raisons de cet écart, d'après la porte-parole d'Exit, Danièle Bersier, interrogée par Blick. «Une des raisons pourrait être l'espérance de vie plus élevée.» Celle-ci était de 85,4 ans pour les femmes et de 81,6 ans pour les hommes. De ce fait, les femmes connaissent plus souvent le veuvage et doivent mourir seules, explique Danièle Bersier.
«Les femmes se penchent en outre très tôt sur des thèmes comme la santé ou la mort.» En tant que proches, elles seraient plus impliquées que les hommes dans les soins et souvent plus directement dans le processus de mort. La situation est similaire chez les moins de 65 ans. Ici aussi, les femmes représentent la plus grande part. En 2022, 112 femmes et 78 hommes ont quitté la vie avec une organisation d'euthanasie.
Quelles sont les différentes formes d'euthanasie?
La Suisse est considérée comme un haut lieu de l'euthanasie. Pourtant, toutes les formes de suicide assisté ne sont pas autorisées dans notre pays. On distingue les formes suivantes:
- L'euthanasie active directe désigne le meurtre sur demande. Un médecin ou un tiers administre intentionnellement au patient une injection qui entraîne directement la mort. Cette forme d'euthanasie est punissable en Suisse.
- Dans le cas de l'euthanasie active indirecte, des produits tels que la morphine sont utilisés pour soulager les souffrances des patients. Ce faisant, on accepte que la mort survienne plus tôt. Ce type d'euthanasie n'est pas expressément réglementé par le code pénal, mais il est considéré comme autorisé.
- L'euthanasie passive comprend par exemple l'interruption des mesures de maintien en vie. Cette forme n'est pas expressément réglementée par la loi, mais elle est considérée comme autorisée.
- Dans le cas du suicide assisté, des substances mortelles sont fournies au patient, mais il doit les prendre lui-même. Cette forme est autorisée, tant que l'assistant au suicide n'a pas de motifs égoïstes.
Quelle est la situation en Suisse et en Europe?
La Suisse a dépénalisé le suicide au début du 20e siècle. Depuis 1942, l'euthanasie est réglementée par le droit pénal. L'assistance au suicide est interdite lorsque des motifs égoïstes sont impliqués. Outre la Suisse, le suicide assisté est possible sous certaines conditions en Finlande, en Autriche et en Allemagne. Aux Pays-Bas, au Luxembourg, en Belgique, en Espagne et au Portugal, même l'euthanasie active est désormais autorisée. Les réglementations sont toutefois différentes et soumises à des conditions.
D'où viennent les touristes de l'euthanasie?
Contrairement à Exit, l'organisation Dignitas propose également l'euthanasie à des étrangers. En 2023, 235 personnes d'autres pays sont venues en Suisse pour mourir avec Dignitas. La plupart des touristes de l'euthanasie venaient de France (50), et de Grande-Bretagne (40).
Il est frappant de constater qu'après 2020, les Allemands ont été nettement moins nombreux à venir mourir en Suisse. La raison en est probablement la modification de la loi allemande, qui a rendu caduque l'interdiction de l'assistance organisée au suicide en 2020. Depuis lors, des associations d'euthanasie accompagnent également des personnes vers la mort en Allemagne.
Comment l'euthanasie va-t-elle évoluer à l'avenir?
La Suisse est en pleine mutation démographique. Avec le passage à l'âge de la retraite des baby-boomers, le nombre de personnes âgées augmente rapidement. Ce phénomène devrait avoir des conséquences sur l'euthanasie. Chez Exit, le nombre de membres ne cesse d'augmenter depuis des années. A titre de comparaison, l'association comptait 120'000 membres en 2018 et près de 168'000 en 2023. «Nous partons du principe que cette tendance se maintiendra dans les années à venir», écrit la porte-parole Danièle Bersier.
En Suisse, une grande majorité est favorable à la possibilité d'une assistance au suicide. «La forte acceptation du suicide assisté est liée à la culture suisse de l'autodétermination et à l'augmentation de l'espérance de vie.» Cette dernière contribuerait également à de nombreux troubles liés à l'âge et à la démence. La génération des baby-boomers est justement habituée à décider elle-même de sa vie, explique encore la porte-parole à Blick: «Ils ne veulent pas se laisser déposséder de ce principe, même en fin de vie. Exit en subit la conséquence logique sous la forme d'une forte croissance continue de ses membres.»