Interview du directeur d'Exit, Bernhard Sutter
Voici ce que coûte une assistance au suicide avec Exit

En Suisse, 1125 personnes se sont suicidées en 2022 avec l'aide de l'organisation Exit. Comment cela s'organise-t-il? Combien cela coûte-t-il? Quels sont les défis pour l'avenir? Le directeur de l'organisation, Bernhard Sutter, évoque pour Blick un sujet tabou.
Publié: 08.06.2023 à 10:03 heures
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Dernière mise à jour: 08.06.2023 à 10:25 heures
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En Suisse, les patients peuvent décider eux-mêmes du moment où ils souhaitent quitter ce monde.
Photo: Getty Images
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Jean-Claude Raemy

Le décès de la célèbre chanteuse Tina Turner remet le nom d'une association sur le devant de la scène: Exit. Officiellement, la star mondiale est décédée à l'âge de 83 ans de cause naturelle. Mais selon ses propres dires, elle était membre de l'organisation, sollicitée pour l'euthanasie en fin de vie. Exit, fondée en 1982 et basée à Zurich, n'est pas autorisée à donner des informations sur les membres ou les personnes qu'elle accompagne dans leur suicide, prévient son directeur Bernhard Sutter. Il accorde néanmoins deux heures à Blick pour expliquer les défis que la structure va devoir relever.

Monsieur Sutter, le nombre de décès accompagnés par Exit augmente-t-il ou diminue-t-il?
Bernhard Sutter: Il augmente, tout comme le nombre de nos membres. L'année dernière, nous avons accompagné 1125 personnes vers la mort. L'âge moyen de ces personnes était de 79,6 ans. Mais ce n'est que la pointe de l'iceberg. Environ 5000 personnes nous ont contactés pour obtenir des conseils ou de l'aide. Au total, 1567 cas faisaient l'objet d'un examen approfondi.

Pourquoi cette grande différence entre l'intention et la réalisation?
Certains changent d'avis. Il faut dire aussi que les progrès de la médecine palliative sont considérables. Et certains décèdent aussi naturellement, sans notre intervention. Bien souvent, Exit a aussi un effet préventif sur le suicide grâce à ses conseils et à ses évaluations.

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«80% des Suisses sont favorables au droit de choisir sa mort»
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Malgré cela, vous comptez beaucoup de membres. Combien sont-ils?
En Suisse alémanique et au Tessin, nous comptons 160'000 membres. Il y en a 35'000 au sein de l'association Exit gérée séparément en Suisse romande. Dans toute la Suisse, plus de 200'000 personnes sont inscrites auprès d'organisations d'assistance au décès.

Pourquoi de telles proportions selon vous?
80% des Suisses sont favorables au droit de choisir sa mort. Contrairement au passé, la plupart des médecins et des politiciens ne remettent plus en cause l'existence de notre organisation. Ils acceptent le fait que les patients veulent décider eux-mêmes de leur vie et de leur mort. Les vents contraires proviennent tout au plus d'organisations religieuses.

Au-delà de la finalité de l'adhésion chez Exit, pourquoi devenir membre?
Cela permet d'obtenir sans frais supplémentaires des directives anticipées complètes, y compris des conseils. De plus, en cas d'accompagnement de fin de vie, nous procédons à toutes les clarifications nécessaires. Nous accompagnons également les personnes qui souhaitent se suicider et nous sommes là pour les proches. Les membres de longue date ont la priorité. Nous ne sommes pas une organisation d'urgence.

Peut-on savoir quelque chose sur de possibles liens entre Tina Turner et Exit?
Exit ne peut pas s'exprimer sur des noms concrets. Nous nous engageons à la discrétion. La défunte a cependant rendu publique son appartenance à Exit à plusieurs reprises.

Nous l'acceptons bien sûr. Mais, permettez-nous de vous poser une question dérangeante: combien coûte le suicide?
Rien du tout. Nous fonctionnons comme une assurance. L'adhésion annuelle est de 45 francs, mais le recours est gratuit après trois ans. Une cotisation unique de 1100 francs, soit moins de 25 cotisations annuelles, suffit pour devenir membre à vie. Nous aidons cependant aussi les patients qui ne viennent chez nous que pour un recours au suicide. Contrairement aux membres permanents, ils doivent alors payer pour cela. Les coûts s'élèvent alors entre 1100 et 3700 francs.

Comment arrivez-vous à de tels chiffres?
Il faut prendre en compte les coûts de l'organisation, de nos spécialistes, des expertises, des clarifications et des visites. Dans le calcul des coûts complets, un suicide avec Exit s'élève à plus de 7000 francs.

Comment Exit se finance-t-elle?
Une chose est claire: nous ne voulons pas gagner de l'argent avec un business de la souffrance. Nous nous finançons en premier lieu par les cotisations des membres. Près de 30'000 d'entre eux sont membres à vie, ils ont donc versé la contribution unique, ce qui contribue grandement à notre budget.

Vous avez mentionné les frais d'organisation. Concrètement, quelle est la «taille» d'Exit?
En Suisse alémanique, nous comptons plus de 100 collaborateurs. Parmi eux, une soixantaine sont des «accompagnateurs de suicide», qui travaillent à 10% avec un salaire modeste et qui ont généralement plus de 40 ans. Le faible taux d'occupation reflète la charge psychique élevée des accompagnements au suicide. Il faut savoir que les erreurs sont pénalement répréhensibles dans notre travail.

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«Réaliser des progrès pour les personnes qui souffrent est l'objectif essentiel d'Exit»
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L'organisation se développe-t-elle?
Oui. Nous devons élargir nos capacités, car la population augmente et surtout dans les segments d'âge élevés. Nous devons faire face au vieillissement de la société et à une complexité croissante des cas.

C'est-à-dire? Pourquoi les cas deviennent-ils plus complexes?
Actuellement, Exit ne peut aider que les personnes capables de discernement. Et il faut impérativement que le requérant prenne lui-même l'euthanasiant. En cas de démence moyenne à avancée par exemple, Exit n'a plus le droit d'aider, même si une autorisation a été stipulée par écrit au début de la maladie. Le nombre de diagnostics de démence ne cesse cependant d'augmenter, tout comme le besoin de nos prestations dans ce domaine. Le Canada a pu créer, grâce à une action en justice constitutionnelle, une clause dans laquelle le patient peut disposer à l'avance de son droit à l'euthanasie. Cette modification de la loi devrait également être discutée en Suisse.

La Suisse n'est donc plus pionnière en matière d'euthanasie?
Autrefois, nous l'étions certainement. Lors des congrès sur le sujet, nous étions considérés comme un pays de référence. Mais aujourd'hui, certains pays sont plus avancés que nous en matière d'euthanasie. Même le Portugal, pays catholique, autorise l'euthanasie active.

Le «tourisme de la mort» vers la Suisse va-t-il ainsi se tarir?
Pas de sitôt. En Suisse, l'euthanasie est aussi autorisée pour les personnes qui n'y sont pas domiciliées. Exit n'aide toutefois que les personnes ayant un domicile ou un passeport suisse.

Pensez-vous que les lois vont bientôt changer dans notre pays?
Le dialogue avec les politiques et la société est nécessaire. Nous sommes en principe heureux de la gestion libérale du sujet à Berne et dans les cantons, mais nous voulons réaliser de nouveaux progrès pour les personnes qui souffrent. C'est là l'objectif essentiel d'Exit, et non pas de faire le plus grand nombre possible d'accompagnements à l'euthanasie.

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