Perche tendue à Berne
À Lausanne, Macron valide l'Europe «à la Suisse»

À l'université de Lausanne, le président français a, sans le dire ouvertement, validé l'approche suisse d'un partenariat «à la carte» avec l'Union européenne, analyse notre journaliste Richard Werly.
Publié: 16.11.2023 à 17:14 heures
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Dernière mise à jour: 16.11.2023 à 18:31 heures
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Le président français Emmanuel Macron (à gauche) et le président de la Confédération Alain Berset ont assisté à la conférence «Parlons Europe» à l'Université de Lausanne.
Photo: keystone-sda.ch
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Richard WerlyJournaliste Blick

Il en a marre, Emmanuel Macron. Marre d’attendre alors que les enjeux d’avenir, pour l’Europe, sont pressants en matière d’écologie, de sécurité, d’énergie et d’innovation. Marre de savoir que la Suisse, ce voisin qui l’a accueilli à Berne de façon si bon enfant, ne cotise pas aux indispensables efforts européens pour tenir tête, sur le front des brevets et de la technologie, aux États-Unis et à la Chine. Marre, enfin, d’attendre que les bureaucrates bruxellois de la Commission approuvent ou non telle ou telle procédure, alors que l’urgence est selon lui de réveiller la volonté d’indépendance au niveau du continent, pas seulement à 27.

Vous connaissiez Macron l’idéaliste, «l’européiste» comme le surnomment ses adversaires pour dénoncer son engagement en faveur de l’Union européenne. Voici Macron le pragmatique, toujours porté sur les grandes formules et les concepts, mais résolu à enclencher une nouvelle dynamique. Et pour cela, le choix de Lausanne est habile.

C’est ici, on l’oublie, que soufflèrent durant l’entre-deux guerre les premiers vents fédéralistes européens. C’est ici, à côté de l’université, que Jean Monnet, l’un des pères de l’Europe communautaire, déposa ses archives, gérées par la Fondation qui porte son nom. Alors va pour l’Europe à la carte. Pardon, pour l’Europe «à la Suisse».

Idée simple

L’idée est simple et l’ancien ministre des Affaires étrangères français Hubert Védrine l’a défendu dans nos colonnes avant la visite présidentielle: arrêtons de faire de l’élargissement de l’Union la seule voie d’accès aux grands programmes européens. Place à des coopérations renforcées au-delà du cercle des 27 pays membres de l’UE qui seront, demain, 30 ou 35.

La France et la Suisse, comme l’a redit Alain Berset à Berne mercredi, sont en paix perpétuelle depuis 1516. Alors acceptons ce que cet héritage commun veut dire. L’essentiel est que ceux qui en ont les moyens investissent ensemble. Pour défendre notre autonomie, notre indépendance, nos démocraties. Franchement, cela ressemble à du bon sens!

L’horloge tourne

Macron a bien sûr conseillé à la Suisse d’accélérer la reprise de ses négociations bilatérales en vue de trouver un nouveau paquet d’accords avec Bruxelles. Mais au fond, son discours de Lausanne a déjà enjambé ces pourparlers. Une partie du cœur battant de la recherche européenne se trouve au bord du Léman, comme le démontre l’EPFL ou le Centre européen de recherche nucléaire (CERN) à Genève, où le président français a choisi de se rendre à la fin de sa visite d’État. Ce qu’il faut, c’est agir. Vite. Parce que la course commerciale, scientifique, technologique, numérique est redoutable, et que l’horloge tourne.

Au sein de la Communauté politique européenne, l’Europe «à la Suisse» est désormais réhabilitée. Voire encouragée.

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