Alors que j’étais député, à l’occasion d’une révision anecdotique de la loi sur la surveillance des caisses de pension des magistrats, j’avais proposé de supprimer les rentes à vie des conseillers d’État valaisans. Idée saugrenue s’il en est, j’avais obtenu deux voix : la mienne et celle de celui qui deviendra plus tard mon assistant parlementaire à Berne. On ne peut même pas parler d’un succès d’estime.
Au nom de l’honneur de la fonction ou de l’importance de trouver les meilleurs candidats, même ceux qui affirmaient s’engager pour tous «sans privilège», s’étaient opposés à la proposition.
Tête de mule, j’avais néanmoins insisté et, à force de revenir avec le même amendement à chaque lecture du texte, porté par une indignation généralisée face à des avantages indécents au regard du traitement de la fonction publique et privée, j'avais fini par réunir une majorité petite, mais suffisante. Et c’est ainsi que le Valais devint le premier canton romand à abolir ces rentes d’une autre époque. Depuis, les ministres reçoivent un salaire convenable, cotisent pour leur LPP et leur retraite en dépendra. Comme tout le monde. C’était en 2014.
Débattre sur toutes les rentes
Dix ans plus tard, la plupart des cantons ont fait leur mue et ont suivi le Valais. C’est à l’occasion des débats sur la 13e rente AVS que ressurgit cette question, sur le plan fédéral. Si les arguments de Pascal Couchepin, Alolf Ogi ou Joseph Deiss sont justes, le débat sur les rentes à vie l’est aussi.
Qu’un membre du collège gouvernemental soit correctement payé, à la hauteur de sa fonction, est parfaitement normal. Qu’il dispose d’une prévoyance professionnelle solide l’est tout autant. Le régime de retraite, par contre, n’a plus rien de cohérent avec le système suisse. La primauté des cotisations qui veut que votre retraite dépende de ce que vous avez cotisé, et non pas du montant de votre dernier salaire, ne trouve bientôt plus application que pour les sept sages. Pire, la rente – très importante disons-le – est due dès qu’un ministre a cotisé quatre ans. C’est une logique hors sol que plus rien ne justifie.
Certes, la carrière de ministre est particulière. On peine toutefois à comprendre en quoi on ne pourrait attendre aussi des plus brillants d’entre nous de se prendre en charge pour leur retraite, comme l’exige sans état d’âme de tous les travailleurs, y compris ceux qui n’ont pas de qualification ou qui ne parle même pas la langue.
Insulte envers la probité des ministres?
Interrogé sur la question, le Conseil fédéral expose que «le régime des retraites contribue à ce que les décisions que les magistrats prennent pendant qu'ils sont en fonction le soient indépendamment de toute considération financière personnelle». Peut-on davantage insulter la probité des ministres? Et que dire de l’ensemble des travailleurs de Suisse qui pourraient aussi être amenés à privilégier la suite de leur carrière aux dépens de leurs employeurs? Sans compter que l’histoire a bien montré que la rente à vie n’excluait pas le pantouflage, quand on pense aux conseils d’administrations visités par certains anciens élus après leur temps gouvernemental.
Si les excellents arguments soulevés par les anciens conseillers fédéraux contre la 13e rente AVS ne sauraient être éclipsés par le débat sur la rente à vie, ce dernier ne saurait non plus être écarté pour de mauvais prétextes. Et la campagne en cours aura au moins montré une chose: le Rento des conseillers fédéraux est d’une autre époque, il est temps d’y mettre un terme.