Bonjour, ça va? Super parce que moi non plus. Pas palpitante cette campagne des élections fédérales.
Même du côté de l’Union Démocratique du Centre (UDC), c’est dire. Pourtant, au départ, c’était prometteur: ils devaient faire campagne contre la police de la pensée unique du wokisme bien-pensant (double quine au loto de la rhétorique réac’ ou d’une chronique de Laure Lugon dans «Le Temps»).
Avec un thème de campagne comme ça, je me suis dit qu’on allait se marrer un peu et enfin voir un affrontement politique digne de ce nom: les femmes au foyer contre les hommes déconstruits, les agriculteurs contre les expert·e·s·x en question de genre(·x?), les idées qui nous rapetissent face aux grands discours qui nous culpabilisent.
Riche ou pauvre: la viande rouge
C’est d’ailleurs sur cette différence que l’UDC construit son succès. Et non sur des propositions concrètes pour faire avancer le pays (sinon, pourquoi gueuler contre le gouvernement alors qu’on y est, et même très bien représentés?).
En effet, miser sur la manière de vivre présente l’avantage de ne pas devoir s’embêter à rendre des comptes sur le fond. Je vous la fais courte, avec un exemple: un prolo mis au chômage par la délocalisation de son usine peut tout à fait voter pour le milliardaire qui a délocalisé son usine. Et ce, tant que le milliardaire (Trump, Blocher) arrive à lui faire croire qu’ils se ressemblent, parce qu’ils aiment tous les deux des trucs comme les armes, la patrie ou la viande rouge. Même si, évidemment, le milliardaire mangera plus souvent du bœuf de Kobe.
Dans le cas de l’UDC, ce même mécanisme culturel permet par exemple de faire oublier que le parti a proportionnellement autant de parlementaires proches des banques que le Parti libéral-radical (PLR). Voilà, maintenant, vous avez compris le titre de cet article. Il n’est pas méchant et putaclic, il est sociologique et putaclic.
Et si vous voulez creuser le sujet, lisez Thomas Frank (Pourquoi les pauvres votent à droite) qui explique l’élection de Trump, huit ans avant qu’il ne se porte candidat. C’est un peu plus complet que mon résumé, mais aussi beaucoup plus chiant.
Pas d'amalgames!
Pour mettre des images sur le terrain culturel de l’UDC, je ne peux que vous inciter à regarder l’excellent carnet de campagne de Pierre Nebel, sur le déplacement en car à Zurich de la section valaisanne. Alors attention, je n’ai rien contre les gens qui ouvrent des bières avec leur boîte de snus au petit-déjeuner. Juste: tu fais ça quand t’as pour ambition d’aller voir le Lausanne-Sports perdre à Lugano. Pas quand t’as pour ambition de diriger le pays.
Quoi qu'il en soit: en lieu et place de son art de vivre bien de chez nous, l’UDC mise sur son plus grand tube: LES ÉTRANGERS! (Et à force qu’ils nous jouent toujours le même refrain, on va finir par les confondre avec Vianney.)
Le parti pose la question d’une «nouvelle normalité», en croisant des faits divers avec la nationalité de leurs protagonistes. Au milieu de tous ces raccourcis, on notera que des Suédois et des Français sont également mentionnés. Ouf: «L’UDC est plus xénophobe que raciste.» (N’hésitez pas à m’engager pour d’autres slogans peu flatteurs).
Dommage qu’ils n’aient pas pris en compte les faits divers AOP 100% suisses. Ç'aurait fait de la visibilité à Michaël Buffat (UDC Vaud/violences conjugales).
Vu que les accusations contre le conseiller national sont sortis le jour où le Hamas est entré en Israël, on attend encore les théories du complot sur la possible orchestration de l’attaque par le service de communication de Michaël Buffat. Histoire de faire diversion.
Mais noooon, je plaisante: Michaël Buffat, un service de com'? LOL. (Et en vrai, les seuls complotistes qui s’intéressent à l’UDC, ils votent pour eux.)
Tout change, rien ne change
Bref, depuis 2015 et la percée record du parti des banques agrarien, on a vécu l’accélération de la crise climatique, la pandémie, l’avènement de l’intelligence artificielle et l’inflation. Le monde a bien changé. Mais pas la Suisse.
Ni son premier parti (va-t-il être surpris quand ce sera Chat GPT et non les frontaliers qui piquera nos jobs?). Ni les autres partis d’ailleurs, comme vous aurez l’occasion de le voir dans les chroniques de cette semaine. Notre pays est toujours aussi conservateur (la preuve: les deux formations politiques qui utilisent le mot «centre» sont de droite).
Pire encore, dans un monde qui se transforme aussi vite: pour chaque problème, nos parlementaires commencent par s’engueuler pour savoir s’il faut être de gauche ou de droite. Et après, il n’y a plus le temps de débattre du problème. Heureusement, vous, vous avez encore quelques jours pour voter.