Chronique de Benjamin Décosterd
Paléo: Rosalia, dos au public et face caméra

Deuxième jour de la 46e édition du Paléo. Au menu: de bêtes trentenaires fragiles, des bêtes de scène et une bête d’écran. Benjamin Décosterd nous livre une chronique tout court (parce qu’apparemment, il faut arrêter avec le terme «décalé»).
Publié: 20.07.2023 à 09:00 heures
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Dernière mise à jour: 20.07.2023 à 10:14 heures
Photo: keystone-sda.ch
Benjamin Décosterd

J’ai raté le moment où on s’est mis à porter des bobs au premier degré.

Voilà mon rapport à la mode, aux tendances et aux trucs styléys (et l’utilisation de ce terme devrait finir de vous aider à me situer. **crie «yo yo yo les djeun’s» en faisant un AVC avec ses doigts**).

Autant vous dire que Rosalía, j’avais rien suivi. Mais rassurez-vous, je n’en dirais pas du mal. Parce que vous me l’avez demandé. Et parce qu’il y a même eu des pressions politiques. Je ne donnerai pas de nom, mais demandez-vous: quelle ministre de la culture vaudoise n’aimerait pas qu’on dise du mal d’une artiste espagnole?

Et surtout parce que tout le monde semble unanime sur la jeune hispanique (désolé, la peur des répétitions accouche souvent de synonymes nazes mais on parle toujours d’une seule et même personne: Rosalía).

Même celles et ceux qui ne sont pas des auditeurs assidus, le disent: «je sais pas trop ce qu’elle fait, mais elle a l’air vraiment sympa.» Oui, Rosalía, c’est un peu Elisabeth Baume-Schneider.

Tout juste ai-je trouvé une rubrique «Controverses» sur Wikipédia où l’on mentionne une histoire d’appropriation culturelle du flamenco. Ce à quoi Rosalía a répondu «le flamenco n’appartient pas aux Gitans.»

Pas étonnant, ces gens n’ont rien (mais ils donnent tout – #LoveIsAUniversalLanguage – demi cœur avec le pouce et l’index – tatouage d’un mandala sous les seins – retraite à Bali pour faire du yoga et des stories – dépression nerveuse – reconversion en coach de vie).

Cela étant, rassurez-vous: je suis quelqu’un de bien.

Je suis allé voir un groupe qui a été présenté en iel. Toujours bon pour le karma, au cas où le paradis serait géré par un collectif d’universitaires qui font un postdoc en bienveillance. Bon, pas sûr que ce soit le paradis, du coup.

Blagues de droite à part (on peut plus rien dire et on est plus chez nous!): je n’ai pas pris de coup de soleil, mais bien un coup de cœur, devant le duo suisse Crème solaire. C’était super: l’énergie, la proximité avec le public, et surtout l’émotion et la fraîcheur des musiciens pour qui la musique est encore un art, et pas déjà un métier.

J’ai ensuite voulu enchaîner avec mon style de musique préféré: les sons de trentenaires fragiles. Pomme et Lomepal étant censés compenser la non-programmation de Feu! Chatterton et d’Odezenne.

Autant vous dire que j’ai pas entendu grand-chose. Un peu parce que j’étais occupé à l’espace presse (à l'apéro). Et beaucoup parce que Pomme a chanté plus de « OuuuhOuOUuuuh » que de paroles.
Sans parler de ça:

Ma mycose des ongles qui a peur que j’aille à la pharmacie.

Pour ce qui est de Lomepal, cet article étant déjà long, je me contenterai d’un carrousel de montages photo d’une grande qualité que voici:

1/4
Photo: Benjamin Décosterd

Et Rosalía fut.

Photo: keystone-sda.ch

La claque. Et encore: musicalement et scéniquement, on se prend des droites. Cette femme est une star. Son show est sans aucun doute le plus beau que l’on ait eu la chance de voir à Paléo.

Sur les écrans, c’est simplement génial. À cet égard, on peut s’estimer heureux que les équipes de Rosalía soient à la réalisation, en lieu et place de la RTS.
Pour collaborer avec, j’ai déjà vu 5 employés du service public unir leurs forces pour rater la captation d’un gag, pourtant répété deux fois. Alors tout un concert demandant une précision qui s’apparente à de l’horlogerie…

Mais après quelques chansons à mi-chemin entre le concert et le clip, on en vient à se demander si elle n’aurait pas oublié le public. Non, elle descend faire chanter (ou grincer, ça dépend du degré d’excitation) les fans du premier rang, la caméra en mode selfie.
Et ça repart sur scène. L’image est tellement parfaite: c’est le télescope James Webb qui doit filmer. Logique, pour montrer une star qui semble avoir mis la concurrence à des années lumières. (Est-ce kitsch ou simplement trentenaire fragile?)

Mais voilà, avec tous ces octets d’images par secondes, ou alors c’est l’écran, ou encore mes pupilles qui ont des cernes, la vidéo semble se décaler et pendant une demi-chanson j’ai l’impression d’un playback mal géré.
Monté sur la terrasse, je vois enfin la scène et je me rends compte que Rosalía est passée d’immense artiste sur écran à chanteuse que l’on regarde regarder son cameraman.

Dos au public et face caméra.

On a eu Rosalía, mais on ne peut pas tout avoir.

Du moins pas en même temps.

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