La terrasse de l’Evêché, à Lausanne, est brûlante en ce lundi après-midi. KT Gorique s’y faufile sans se liquéfier. La rappeuse vient tout juste de performer aux côtés du Vaudois Uncle Maximilien — accompagné de ses musiciens géniaux — dans les locaux de Blick (vidéo ci-dessous). Ses doigts tassent une pincée de tabac dans une petite feuille à rouler, ses lèvres évoquent avec ferveur l’open air de Daniel Rossellat: «Paléo, c’est l’un de mes festivals préférés en Suisse, voire mon festival préféré. J’attends cette date avec impatience!»
Les profanes ont découvert le phrasé puissant et agile de la Valaisanne sur Netflix, dans la première saison de la compétition hyper-populaire «Nouvelle École». Le public averti, lui, connaît la singulière artiste depuis un bon moment déjà. Quoi qu’il en soit, les rimes incisives de la trentenaire, qui avale les scènes comme une véritable morte de faim avide de flow frais, gagneront bientôt encore en prestige. Ce mercredi, à 18h45, elle enflammera la Grande scène du raout préféré des Romandes et des Romands.
Une belle reconnaissance pour celle qui s’est imposée à New York, en 2012, lors de l’édition internationale du concours End of the Weak. Cette victoire mémorable lui avait alors permis d’établir trois records: celui de la première femme, de la première Suissesse et de la plus jeune personne de l’histoire à remporter le titre de championne du monde freestyle. Voilà pour son impressionnant CV.
Les racines ivoiriennes
Canicule ou non, l’Octodurienne, lorsqu’elle cause, est quasi toujours catégorique. «Rarement un calembour aura trouvé meilleur surnom, et réciproquement», notait à raison «24 heures» dans un portrait consacré à l’Ivoirienne d’origine, arrivée en terres helvétiques à l’âge de 11 ans. Elle tire sur sa clope, puis plonge dans ses souvenirs. «Je me rappelle surtout du sentiment d’urgence que je ressentais quand on se préparait à partir, souffle-t-elle. Le pays était en proie à des troubles politiques. Comme mon beau-père est Suisse, on s’est envolés. Je suis arrivée ici en milieu d’année scolaire, on ne pouvait plus attendre.»
C’est plus ou moins à cette époque que «KT» commence à rapper. «Je devais avoir 13 ans, calcule-t-elle. C’est d’abord la danse qui est entrée dans ma vie, des années plus tôt.» Cette passion la mène progressivement à découvrir la culture hip hop. Et à coucher sur papier ses premières figures de style.
Martigny RPZ!
Pas trop dur de vouloir suivre les traces de Nas et Damian Marley — l’album commun de ces deux monstres sacrés «Distant Relatives» fait partie des coups de cœur de KT Gorique — quand on vit dans la venteuse cité de Christian Constantin? «Ça, c’est vraiment un cliché de non-Valaisan qui nous regarde de haut, se marre-t-elle. Au contraire! Quand j’étais adolescente, il y avait une vraie culture sound system dans le canton, que ce soit sur les pistes de ski ou en soirée, avec, notamment, le duo Kya Bamba. C’est un peu du passé, c’est vrai. Mais j’ai baigné dans cet environnement. Et je vais même te dire: je dois énormément au centre de loisirs de Martigny, où j’ai fait mes premiers pas artistiques.»
Sa plume intelligente et spirituelle se fait rapidement remarquer. Ce qui n’empêche pas cette véritable touche-à-tout de faire des études supérieures. «Mes parents m’ont beaucoup poussée, raconte-t-elle. J’ai fait ma matu à l’école de commerce puis, après une passerelle, j’ai commencé un bachelor en travail social.» Elle doit toutefois arrêter, alors qu’elle arrive au bout de sa 2e année. «Je faisais déjà beaucoup de scène, c’était devenu impossible de concilier les deux, rebondit celle qui est aussi comédienne. À ce moment-là, j’ai compris que c’était maintenant ou jamais. Le live, ç’a toujours été ma force. Je me suis lancée à 100% dans l’art, avec le soutien de ma famille. Je ne regrette pas!» Les dizaines de milliers de personnes qui s’apprêtent à fouler la plaine de l’Asse non plus.
A voir: KT Gorique, Grande scène Paléo, mercredi 19 juillet, 18h45