Après un an de guerre
L'Allemagne est devenue l'un des meilleurs alliés de l'Ukraine

Le changement a pris du temps. Mais le tournant historique de la politique étrangère et de défense allemande s'est confirmé ce week-end à la conférence de Munich. Avec la livraison des chars Léopard 2, Berlin devance aujourd'hui la France dans l'aide à l'Ukraine.
Publié: 19.02.2023 à 13:10 heures
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Dernière mise à jour: 19.02.2023 à 22:31 heures
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Emmanuel Macron n'a pas redit, à Munich, la nécessité d'offrir des «garanties de sécurité» futures à la Russie. Il répète en revanche dans un entretien ce dimanche 19 février: «Écraser la Russie, cela n'a jamais été la position de la France.»
Photo: DUKAS
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Richard WerlyJournaliste Blick

Un an après le début de l’agression russe en Ukraine, le retour de l’Allemagne en tête du peloton des meilleurs alliés européens de Kiev est incontestable. Douze milliards d’euros d’aide au total selon le Chancelier allemand Olaf Scholz qui, avec la livraison des Chars Léopard 2 à l’armée ukrainienne, se retrouve littéralement sur la ligne de front après avoir tant tergiversé.

L’évidence sautait aux yeux lors de la Conférence annuelle sur la sécurité de Munich qui s’est achevée ce samedi 18 février. La «Zeitenwende», ce changement d’époque allemand si commenté, ne peut désormais plus connaître de retour en arrière. La ministre allemande des Affaires étrangères Annalena Baerbock l’a d’ailleurs confirmé en une formule: «Les Ukrainiens se battent pour l’avenir, pas les Russes.»

Les pacifistes allemands ont perdu la partie. C’est peut-être dommage. C’est éventuellement risqué, voire dramatique au vu des centaines de milliers de vies gâchées par la guerre. Mais c’est un fait.

France-Russie, un vieux feuilleton

La France, pour sa part, semble ne pas avoir encore tourné la page de sa relation spécifique historique avec la Russie. Attention: cela ne veut pas dire que Paris a tort. Les faits sont une réalité. L’analyse diplomatique en est une autre. Mais à quelques heures de l’arrivée très attendue de Joe Biden à Varsovie, la Mannschaft allemande a remporté le match au sein de l’OTAN, après une première mi-temps pour le moins chaotique.

Pour être clair, et malgré les difficultés personnelles récurrentes entre Volodymyr Zelensky et Olaf Scholz, l’Allemagne agit. Elle livre. Elle paie. Elle parle dans une seule direction: l’abandon de son partenariat économique privilégié avec la Russie. Alors que Paris, par la voix d’Emmanuel Macron, tonne et tergiverse.

Macron et la «guerre prolongée»

L’exemple, à Munich, était flagrant. S’exprimant juste après le chancelier Scholz, le président français a averti de la «guerre prolongée» qui se prépare selon lui. Mais il n’a pas formulé de chiffres d’aide pour l’Ukraine, même si les chiffres donnés à Paris l’évaluent à 17 milliards d’euros, donc devant l’Allemagne.

Plus perturbant: Emmanuel Macron a, dans la foulée, redit dans un entretien au «Journal du dimanche» et à France Inter: «Écraser la Russie, cela n’a jamais été la position de la France». Les deux formules ne sont pas en contradiction. Envisager une guerre prolongée et ne pas vouloir «humilier» Moscou (une autre de ses formules) peut même être complémentaire.

Mais Paris joue aujourd’hui en défense alors que l’Allemagne est à l’attaque. Berlin a choisi. Ses intérêts économiques, pour demain, riment avec Washington. C’est aux États-Unis que l’Allemagne va prioritairement équiper sa Bundeswehr, même si le Chancelier Scholz a redit à Munich son soutien à l’avion européen du futur (SCAF), produit avec la France et l’Espagne.

Emmanuel Macron se cherche encore un rôle, avec, dans l’ombre, ce fantôme très encombrant du «non-alignement» sur les États-Unis du Général de Gaulle. Olaf Scholz a trouvé le sien. L’Hambourgeois social-démocrate a mis sa coalition au pas. Toute son attention diplomatique au long cours est consacrée à ménager la Chine, dont ses entreprises ont un cruel besoin.

L’Allemagne laisse le Royaume-Uni caracoler en tête des alliés européens de l’Ukraine, hors Union européenne. Elle ménage la Pologne, futur colosse militaire à l’échelle du continent. Laquelle, depuis le début du conflit, se tient fermement aux cotés de Kiev. Berlin ne dispose pas d’un siège de membre permanent au conseil de sécurité de l’ONU. La ligne avec Washington est rétablie, après les turbulences Trump-Merkel.

Rester aux avant-postes: une obsession française

La France, elle, veut rester aux avant-postes en conservant le rêve d’être assis, demain, à la table des négociations finales pour sortir de la guerre, même si son président juge qu’elles sont aujourd’hui impossibles. La justesse de l’analyse et du positionnement des deux pays sera déterminée par les mois à venir. Rien n’est acquis. Le match politico-diplomatique européen déclenché par la guerre en Ukraine est malheureusement loin d’être achevé.

Mais pour l’heure, et après avoir perdu du temps à mettre son gouvernement en bon ordre, Berlin mène 1-0.

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